Cela fait plus de 20 ans que je suis la directrice générale d’Anorexie et Boulimie Québec (ANEB), un organisme provincial à but non lucratif offrant des services aux personnes souffrant de troubles alimentaires et à leurs proches depuis plus de 35 ans.
Il est indéniable qu’à travers ces années, il y a eu du changement positif à cet égard. J’ai constaté l’avancement des connaissances, j’ai collaboré avec de nouvelles ressources spécialisées et j’ai été témoin d’un réel désir de la part de gens de parler ouvertement de leur état afin de briser des tabous.
Ce sont des problèmes de santé publique très préoccupants par leur taux de prévalence en hausse ainsi que par leurs différentes manifestations (anorexie, boulimie, orthorexie, accès hyperphagique, bigorexie). Ces troubles ont de nombreuses répercussions psychologiques et physiologiques sur les personnes atteintes et, non traités, ils peuvent mener à la mort.
Une situation alarmante
Malgré les avancements, il n’existe toujours pas suffisamment de ressources spécialisées pour traiter ces troubles. De ce nombre, celles gratuites consistent majoritairement en des hôpitaux dont les places disponibles sont limitées. Le délai d’intervention pour obtenir des soins spécialisés de troisième ligne pour les adultes est particulièrement long.
Bon nombre de gens, en fonction de la gravité de leur cas, devront attendre des mois avant d’obtenir des services. Lorsque l’on est en détresse, c’est inacceptable ! Et que dire des régions éloignées où il manque cruellement de services spécialisés pour venir en aide aux personnes souffrantes ?
Au cours des dernières années, de plus en plus de voix se sont fait entendre sur le manque de diversité et d’inclusivité dans les recherches et dans les traitements pour les personnes souffrant de troubles alimentaires. Des observations faites chez ANEB et notre partenaire, la Maison l’Éclaircie, abondent en ce sens. Certaines personnes appartenant à des groupes issus de la diversité tels les membres de la communauté LGBTQ2S+, les gens ayant des troubles de développement, des gens appartenant aux minorités visibles ainsi que d’autres membres de notre société comme les hommes et les personnes âgées ne viennent pas nécessairement chercher l’aide spécialisée. Malgré ce constat, ANEB s’engage à rejoindre davantage ces communautés afin que chacun et chacune se sentent bienvenus.
Les proches
Les proches se sentent souvent démunis et impuissants, ne sachant pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide et sont rarement ciblés par les services adultes. Un parent dont l’enfant est atteint d’un trouble alimentaire, un couple dont le conjoint ou la conjointe souffre d’anorexie, de boulimie ou d’hyperphagie depuis de nombreuses années, ces personnes ne savent pas où se tourner pour ventiler, être écouté.
Force est de constater qu’après toutes ces années, encore bien des préjugés entourant la maladie persistent. Combien de fois avons-nous entendu : « il n’a qu’à manger, c’est un caprice ; les troubles alimentaires ne peuvent pas toucher les hommes ; il ne peut pas souffrir d’anorexie, elle n’est pas assez maigre ; il manque de volonté et devrait se contrôler devant la nourriture... » Cette incompréhension face à la maladie et les fausses idées subsistent encore aujourd’hui.
Rappelons que la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires est un tremplin pour briser les tabous, sensibiliser les gens et faire connaître les différentes ressources qui existent.

Photo Jessie-Ann Pomerleau
Josée Champagne, Directrice générale, ANEB