Le parti de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, n’a pas déclaré les dépenses de sa grande soirée de financement avec des humoristes connus durant la campagne électorale de 2021, et s’expose maintenant à des sanctions d’Élections Québec.
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Le 27 octobre 2021, en pleine campagne électorale municipale, le parti Coalition Longueuil organisait une grande démonstration de force : une soirée d’humour au Théâtre de la ville de Longueuil, dans une salle qui peut accueillir plus de 900 personnes.
Qualifiée de « soirée la plus survoltée depuis le début de la pandémie », le spectacle mettait en vedette les humoristes Stéphane Fallu, Simon Deslisle, Martin Petit et Mario Jean, ainsi que le candidat Sylvain Larocque, lui-même humoriste.
En scrutant le rapport de dépenses électorales de Coalition Longueuil, notre Bureau d’enquête a découvert que les dépenses reliées à cette soirée n’avaient pas été déclarées à Élections Québec comme elles auraient dû l’être.
Cela en contravention de la Loi électorale du Québec.
Selon les chiffres fournis par Coalition Longueuil les frais liés à cette soirée totalisent 6803,09 $.
Si ce montant avait été inscrit au rapport de dépenses envoyé à Élections Québec, le parti de la mairesse Fournier aurait commis une autre infraction, soit de dépasser la limite des dépenses permises par la loi, qui était fixée à un peu plus de 157 000 $.
Le parti admet une erreur
Informé de nos découvertes, le parti de Mme Fournier a d’abord plaidé que ces dépenses n’avaient pas à être déclarées.
« En fait, aucune activité générant des revenus ne doit être inscrite dans un rapport de dépenses électorales », a indiqué Véronique Lalande, ex-présidente du parti.
Toutefois, cela est faux, nous a confirmé par deux fois Élections Québec.
« Les coûts associés à des activités politiques tenues en période électorale sont des dépenses électorales, à l’exception du coût des aliments et des boissons servis à l’occasion, lorsque ce coût est inclus dans le prix d’entrée déboursé par le participant », souligne le porte-parole, Gabriel Sauvé-Lesiège.
Après une deuxième série de questions, Coalition Longueuil s’est finalement ravisée et a plaidé une erreur de bonne foi.
« Force est d’admettre qu’il s’agit effectivement d’une erreur d’interprétation du règlement par notre agente officielle de l’époque, erreur commise de bonne foi. Nous ferons une demande pour amender notre rapport de dépenses électorales en conséquence », a expliqué Mme Lalande par courriel.
Le parti devra prouver que l’erreur a été commise par inadvertance, précise Élections Québec.
C’est aussi après nos questions que le parti a ajouté un montant pour le cachet de l’humoriste bien connu Mario Jean dans sa comptabilité. Cependant, le parti déclare n’avoir aucune facture.
Mme Lalande n’a pas donné suite à nos demandes répétées d’entrevue avec Catherine Fournier.
Correction à venir
Elle assure que le plafond des dépenses sera respecté, car le parti a retiré près de 4500 $ pour des dépenses qui n’ont finalement pas été faites et pour des pancartes électorales qui ont été volées.
« Pour le rapport de dépenses corrigé, le tout est toujours entre les mains d’Élections Québec. Les demandes de corrections ont été demandées par Élections Longueuil », a soutenu la responsable de Coalition Longueuil.
Aucune demande de correction n’avait encore été reçue, nous a toutefois affirmé Élections Québec la semaine dernière.
« Ils avaient des moyens astronomiques »
L’élu de Saint-Hubert, Jacques Lemire, seul membre de l’opposition officielle dans la Ville de Longueuil, se dit peu surpris d’entendre que le parti de Catherine Fournier aurait pu dépasser la limite de dépenses permises par la loi.
« Je ne suis pas surpris. Ils avaient des moyens astronomiques, affirme-t-il à propos de la campagne électorale de 2021. Mais il y a quand même des limites à respecter. »
M. Lemire dit douter d’une erreur de bonne foi pour une dépense aussi importante que les frais liés à un spectacle d’envergure.
« Tu ne peux pas oublier une dépense comme ça. Ça se peut [qu’ils ignoraient que ça devait être déclaré], mais je doute qu’ils ne l’aient pas su. Ils avaient une bonne équipe et une grosse équipe. », juge-t-il.
L’élu de 25 ans d’expérience rappelle que lorsqu’il a eu un agent officiel pendant des élections, il lui martelait que tout devait être comptabilisé et déclaré.
« Il me le disait qu’il fallait déclarer chaque chose qu’on faisait en lien avec la campagne. Et il ne voulait rien payer qui ne serait pas déclaré », relate-t-il.
Impact sur la campagne
Selon M. Lemire, le grand spectacle d’humour de l’équipe Fournier leur a donné « beaucoup de visibilité ».
« Ça a joué un rôle dans la campagne. Il y a eu beaucoup de monde et ça faisait beaucoup de recrutement de membres pour le parti. Pendant la campagne, ils avaient le vent dans les voiles. »
En plus de gagner la mairie, Coalition Longueuil a raflé 13 des 14 sièges de conseillers pour lesquels le parti a présenté des candidats.
M. Lemire étant le seul élu à avoir su lui tenir tête.
Rappelons que le parti de Mme Fournier n’a pas présenté de candidats dans le secteur de Greenfield Park, après avoir fait une alliance avec un parti local.
Les dépenses de la soirée

Photo tirée de la page Facebook de Coalition Longueuil
- Location du Théâtre de la Ville : 4584,05 $
- Directeur technique : 839,32 $
- Cachet de Martin Petit : 344,93 $
- Cachet de Simon Delisle : 344,93 $
- Cachet de Stéphane Fallu : 344,93 $
- Cachet de Mario Jean : 344,93 $
Total : 6803,09 $
Ce que dit la loi
- Les partis politiques municipaux doivent dévoiler à Élections Québec chaque dépense faite pour leur campagne électorale. Cela va de l’achat de pancartes, aux frais d’envois postaux, en passant par le loyer du local électoral.
- Chaque candidat a un montant maximal qu’il est autorisé à dépenser, en lien avec le nombre d’électeurs.
- Si les candidats recueillent au moins 15 % des votes, ils peuvent se faire rembourser 70 % des coûts.
- Le représentant officiel d’un parti qui permet que le plafond des dépenses électorales soit dépassé ou qui remet un rapport avec de fausses déclarations s’expose à des amendes allant de 5000 $ à 20 000 $.
- Toutefois, les amendes peuvent être levées si un juge décide que l’erreur a été commise de bonne foi.