Les Québécois devront se souvenir de l’offre insuffisante de Justin Trudeau en matière de santé lors de la prochaine élection fédérale, estime le premier ministre du Québec François Legault. Il s’agit de l’ultime levier afin d’obtenir plus d’argent et dénouer l’impasse dans les négociations pour ces transferts, dit-il.
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«Il y a plusieurs dossiers quand on vote à une élection. Mais, la santé pour moi c’est un dossier vraiment prioritaire», a affirmé M. Legault au lendemain de l’offre finale du gouvernement de Justin Trudeau en matière de transferts en santé.
«Il faut que les Québécois et les Canadiens comprennent que ça n’a pas de bon sens ce que fait le fédéral. Le fédéral doit faire sa juste part.»
Selon François Legault, ce dossier devra être la priorité pour les Québécois et les Canadiens aux prochaines élections fédérales.
«Ce que je dis c’est que ce n’est pas acceptable et les Québécois doivent en tenir compte», a soutenu le premier ministre.
«Ça fait deux ans et demi qu’on est unanime. Ce n’est pas juste le Québec, ce sont 13 provinces et territoires qui demandaient 28 milliards de plus. On a obtenu 4,6 milliards par années de plus.»
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Avec cette entente, le fédéral paiera seulement 24% de la facture au lieu de 22%.
Malgré tout, il pourrait accepter l’offre afin de boucler le prochain budget et protéger le front commun avec les autres provinces.
«Si je regarde la situation au Québec, on demandait 6 G$ par année et on a eu environ 1 G$. J’aime mieux avoir 1 G$ et le mettre dans le budget. L’argent qu’on a besoin d’investir en santé, on va l’investir quand même. C’est juste que ce sera plus difficile quand on va regarder l’équilibre financier (...) Ça va affecter notre déficit au Québec», a-t-il expliqué.
Hier, le premier ministre s’est fait reprocher son manque de combativité à la suite de l’annonce de l’offre fédérale. M. Legault a expliqué que son attitude avait été teintée par la fatigue et la déception.
Une rencontre avec les autres chefs des provinces est prévue dans les prochains jours afin de prendre la décision finale.
«J’ai demandé que l’on continue le front commun pour demander plus. On va protéger ce front commun. Je veux d’abord discuter avec mes collègues», a-t-il indiqué. <
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Legault s’est écrasé, selon QS
Le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, est d’avis que François Legault a courbé l’échine devant le gouvernement fédéral.

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Gabriel Nadeau-Dubois
«Hier, il aurait dû se fâcher. Ce qu’on l’a vu faire, c’est s’écraser devant l’offre insultante de Justin Trudeau et du fédéral», a-t-il dit. Lors de la période de questions, GND a ridiculisé l’idée d’ingérence du Québec lors de la prochaine élection fédérale.
«Est-ce qu’il est en train de nous dire qu’il va nous inviter à voter pour Poilievre», a-t-il affirmé. «Peut-être qu’on pourrait financer la santé avec des bitcoins.»
Le député solidaire Vincent Marissal a ajouté que le ministre de la Santé, Christian Dubé, doit «un peu capoter» en voyant «la maigre récolte que son chef a ramenée d’Ottawa».
«L’offre qui est sur la table est non seulement insuffisante, elle est ridicule», a-t-il lancé.
M. Marissal espère que l’offre du gouvernement fédéral ne va pas pousser le gouvernement Legault à faire preuve d’austérité dans les prochaines années.
«Vont-ils nous refaire le coup des libéraux de Charest et de Couillard et de couper dans la mission de l’État qu’est la santé?» s’est-il interrogé.
«Nommer» l’option souverainiste
Devant le «mépris» du gouvernement fédéral dans le dossier des transferts en santé, le premier ministre Legault devrait nommer l’option souverainiste afin de rétablir un semblant de rapport de force, croit le Parti Québécois.
C’est ce qu’a affirmé le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, mercredi, en point de presse au parlement.

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Paul St-Pierre Plamondon
«J’incite François Legault à se rendre au moins au niveau de nationalisme de Bourassa», a-t-il déclaré, en ajoutant qu’il a du mal à s’imaginer qu’en s’endormant hier soir, François Legault n’avait pas en tête que l’indépendance est une option viable pour le Québec.
À la question de savoir si la réaction de M. Legault aurait dû être plus forte, M. St-Pierre Plamondon a exprimé que la déception du premier ministre avait «le mérite d’être claire», mais qu’il sent chez lui une certaine «résignation», causée par la fatigue d’être toujours choqué et de ne pas avoir de réel rapport de force.
Compte tenu du fait que le Québec n’a obtenu «qu’un sixième» de ce qu’il demandait, soit un milliard par année plutôt que six, le gouvernement Legault doit déposer un «plan de contingence».
«C’est la responsabilité du gouvernement de dire ce qu’on va faire avec cet argent-là, et de dire ce qu’on ne peut pas faire, compte tenu du fait qu’il nous manque 5 milliards pour fonctionner», a dit le député Pascal Bérubé.
Le gouvernement fédéral a offert un montant supplémentaire de 46,2 milliards $ sur dix ans. Les provinces réclamaient de faire passer la contribution fédérale de 22% à 35%, soit l’équivalent de 28 G$ supplémentaires annuellement. L’offre actuellement sur la table prévoit plutôt une injection de 4,87 G$ annuellement à l’échelle du pays, soit près de six fois moins que ce qui était espéré.
Insuffisant
Les libéraux ont à leur tour affirmé que l’offre du fédéral est insuffisante et inacceptable. «L’offre mise de l’avant hier ne permettra pas aux Québécois d’avoir les droits de santé auxquels ils ont droit», a dit le député libéral André Fortin.
Par ailleurs, le premier ministre du Québec a, de l’avis du Parti libéral du Québec, échoué dans ses négociations et il a laissé tomber le Québec.
«M. Legault s’est toujours fait le grand défendeur du Québec, hier, il a abdiqué la défense des intérêts du Québec et des Québécois», a pesté M. Fortin, qui estime que François Legault aurait dû «déchirer sa chemise à la sortie de sa rencontre».
Par ailleurs, M. Fortin estime que le gouvernement Legault n'a pas de problème de rapport de force vis-à-vis d'Ottawa. Il a fait remarquer que la CAQ est majoritaire et «bien en selle pendant 4 ans», alors que les libéraux fédéraux sont minoritaires et constamment guettés par le spectre d'une élection.