Plus de la moitié du sous-sol québécois profite à des entreprises établies ailleurs au Canada ou à l’international, a découvert notre Bureau d’enquête.
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Ces firmes, établies par exemple en Colombie-Britannique, en Australie ou aux États-Unis, détiennent au moins 57 % des droits d’exploration minière du Québec, aussi appelés «claims miniers» dans le jargon, révèle notre analyse. Elles ont ainsi le privilège exclusif d’explorer les lieux pour voir si des minerais d’intérêt s’y trouvent.
Acheter un claim minier est très facile et abordable. Il en coûte en moyenne moins de 100 $ pour acheter les privilèges d’exploration sur un territoire d’un demi-kilomètre carré. La transaction, à l’insu du propriétaire du terrain, se fait en quelques clics sur un site web du gouvernement du Québec.
Loin de la communauté
Ugo Lapointe, cofondateur et porte-parole de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine, milite contre l’achat massif de claims près des milieux protégés et résidentiels, d’autant plus que c’est parfois uniquement à des fins spéculatives.
«Dans la balance, c’est encore plus problématique quand c’est étranger», estime-t-il.
«C’est en partie un problème parce que ce sont des entreprises qui sont loin du terrain et loin de la réalité de la communauté et qui jouent au casino avec des territoires dont ils ne connaissent rien», affirme-t-il.
Michel Jébrak, professeur émérite au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal, souligne que les détenteurs de claims sont majoritairement situés dans des provinces ou pays qui ont des valeurs et des méthodes de travail similaires aux nôtres. « Si ce n’étaient que des Chinois, je serais très inquiet », dit-il. Autant lui que M. Lapointe se consolent en soulignant qu’attirer des investissements étrangers peut aussi être positif pour l’économie québécoise.
Bien perçu à l'étranger
Pourquoi nos claims sont-ils si prisés par les étrangers?
«[Le pourcentage de 57 %] est exceptionnellement haut, mais j’explique ça surtout par le fait que depuis quelques années le Québec est perçu comme une très bonne juridiction pour aller explorer», croit l’analyste minier Éric Lemieux.
Selon lui, le Québec a une bonne réputation sur la scène internationale et le gouvernement a été très proactif pour promouvoir l’industrie minière dans les dernières années.
Le lobby des explorateurs miniers, lui, soutient qu’il ne faut pas s’inquiéter du fait que des compagnies basées ailleurs qu’au Québec achètent nos claims.
«Elles vont souvent engager des compagnies de géophysique [et de forage] d’ici» au moment des travaux, fait valoir Valérie Fillion, géologue de formation et directrice générale de l’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ).
Michel Jébrak souligne aussi que ce sont surtout des géologues québécois qui sont embauchés dans le cadre des travaux d’exploration.