Plusieurs membres du fameux vol des influenceurs de Sunwing sont toujours bannis des avions canadiens un an plus tard, y compris ceux qui n’avaient pas fait le party.
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Ce vol du 30 décembre 2021 avait fait réagir aux quatre coins du globe alors que plusieurs jeunes avaient fait la fête sans masque dans l’avion en plein confinement, dans un contexte pandémique.

Photo tirée d'Instagram
Encore à ce jour, un grand nombre d’entre eux sont sur la liste noire de transporteurs canadiens, y compris ceux qui n’ont pas reçu d’amende de Transports Canada.

C’est le cas de Sabrina Iorio qui n’arrive plus à voyager plus d’un an après le vol organisé par l’entrepreneur James William Awad. Elle affirme pourtant avoir respecté les règles, comme le port du masque.
Elle a réalisé cet été qu’elle était frappée d’une interdiction de voyager au moment de s’enregistrer sur un vol d’Air Canada en direction de l’Italie l’été dernier.
« Ça faisait deux mois que mon billet était réservé. [...] Quand je me suis pointée là le 11 août dernier, on ne m’a pas laissée embarquer dans mon vol », relate la jeune femme de 34 ans, qui assure ne pas avoir reçu de contravention lors du fameux vol.
Comme une criminelle
Au cours des derniers mois, elle a multiplié les démarches avec Air Canada, Transports Canada et l’Office des Transports du Canada sans parvenir à se faire retirer de la liste noire.
Dans le cadre de l’émission J.E qui sera présentée ce soir à 21 h 30, notre Bureau d’enquête l’a accompagnée au bureau du service à la clientèle d’Air Canada, situé à l’aéroport Montréal-Trudeau.
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« Ça ne marchera pas, même si vous réussissez à avoir un billet. C’est comme si vous étiez une criminelle. Quasiment ! Ça ne bloquera pas juste ici », lui explique l’employée en poste.
« Tout le monde se renvoie la balle. Par association, je suis coupable », déplore Mme Iorio, découragée.
Désarroi
D’autres passagers, qui ont voulu préserver leur anonymat témoignent aussi s’être vu refuser l’accès.
« Je ne veux plus être associé à cette histoire. Mais l’an passé, je devais voyager dans une dizaine de pays et ç’a tellement été compliqué », a expliqué l’un d’entre eux.
Un désarroi ressenti également par une jeune professionnelle qui s’est vu refuser un vol en direction du Portugal.
Un autre doit maintenant prendre l’avion à partir des États-Unis pour voyager après avoir été bloqué par les transporteurs canadiens.
Joint par notre Bureau d’enquête, James William Awad a assuré avoir retrouvé le droit de voler, à l’exception d’Air Canada. Il a indiqué que d’autres aussi ont réussi à reprendre l’avion depuis.
Des 154 voyageurs, 37 ont été blâmés en lien avec les mesures sanitaires de l’époque. La facture totale des 42 contraventions remises s’élève à 59 500 $.
Transports Canada refuse de rendre publiques les conclusions de l’enquête, étant donné « qu’un nombre de sanctions fait l’objet de requêtes au Tribunal d’appel des Transports du Canada ».
Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, n’a pas voulu commenter.
Une liste noire trop arbitraire
L’inscription des jeunes voyageurs sur une liste noire des transporteurs est arbitraire et disproportionnée, selon l’avocat spécialisé Julius Grey.
« Les gens sont exclus ou cancellés sans audition, sans savoir pourquoi, sans date limite. [...] Une loi existe et dans certains cas, les individus peuvent faire l’objet d’une restriction, mais ça doit être prouvé pour de bonnes raisons, ça doit être proportionnel », explique le juriste.
Selon lui, la voie des tribunaux devient la seule option possible ; par jugement déclaratoire, injonction ou recours collectif.
Perturbateurs bannis
Le professeur Mehran Ebrahimi, spécialiste en aviation, concède que le seuil de tolérance des transporteurs peut varier, mais l’objectif demeure le même.
« Avec l’avènement de la démocratisation de l’aviation civile, le low cost, on a assisté à un phénomène grandissant des comportements inacceptables. [...] Les compagnies aériennes ont commencé à collaborer [...] pour faire en sorte que des gens perturbateurs soient bannis ».
« Ces gens-là vont sûrement être évalués très longtemps avant de pouvoir embarquer ! », commente le pilote de ligne Dominique Daoust. Les transporteurs Air Canada, Air Transat et Sunwing ont refusé de faire le point sur la situation.