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Pollution de l'air: est-ce Québec ou Montréal qui s'en tire mieux?

La Capitale-Nationale fait pâle figure par rapport à la ville de Montréal en matière de qualité de l’air, et cela pourrait être en partie causé par son retard dans l’encadrement des poêles à bois.

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Cinq des 11 stations où le ministère de l’Environnement recense la pire moyenne annuelle de particules fines se trouvent dans la région de Québec, contre une seule qui se trouve sur l’île de Montréal.

Station
Les pires stations à Québec
PARTICULES FINES
STATION Nombre de jours de mauvaise qualité de l’air Moyenne annuelle
(PM2,5)
1. École Les Primevères 439,46
2. Charlesbourg 388,27
3. Henri IV 249,38
4. Collège St-Charles-Garnier 238,38
5. Vieux-Limoilou 208,70
Norme OMS : 5
Sources: Gouvernement du Québec, RSQAQ, RSQA MTL, OMS

C’est aussi à Québec qu’on retrouve l’endroit où l’on a comptabilisé le plus de jours (43) avec une mauvaise qualité de l’air en 2021, soit près de l’école primaire Les Primevères-Jouvence. 

Cette école se trouve dans un quartier de banlieue qui s’est développé dans les années 70 et 80. De nombreuses maisons de plain-pied ont recours au chauffage au bois, explique un rapport de la Santé publique de Québec.

Cette station a d’ailleurs été choisie par le ministère pour le suivi de la pollution liée au chauffage au bois.

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Plus de smog à Québec
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De 2009 à 2021, le nombre de jours de smog à Montréal est passé de 35 à 7. En 2020 et en 2021, c’est la Capitale-Nationale qui avait le plus grand nombre de jours de smog dans la province, soit 19 et 15 respectivement, près du double de ce qui a été observé à Montréal

Depuis le 1er septembre 2021, il est maintenant interdit de chauffer au bois lorsqu’il y a avertissement de smog dans la région de Québec. À partir de 2026, les poêles, fournaises ou chaudières au bois devront être des appareils certifiés.

«Je pense que le règlement va avoir un impact bénéfique sur la qualité de l’air», croit le Dr Philippe Robert, de la direction de santé publique du CIUSSS de Capitale-Nationale.

Québec accuse un retard d’une dizaine d’années par rapport à Montréal en matière de contrôle des poêles à bois.

La station d’analyse de qualité de l’air située en bordure de l’autoroute Henri-IV à Québec.

Photo Stevens LeBlanc

La station d’analyse de qualité de l’air située en bordure de l’autoroute Henri-IV à Québec.

En retard

En 2020 et en 2021, c’est la Capitale-Nationale qui avait le plus grand nombre de jours de smog dans la province, soit 19 et 15 respectivement, près du double de ce qui a été observé à Montréal.

La Capitale-Nationale comptait d’ailleurs plus du double de journées de mauvaise qualité de l’air en 2021 (67) que la métropole (28).

«C’est sûr que Québec est en retard et en décalage par rapport à Montréal pour les poêles à bois et pour le transport collectif», souligne Johanne Elsener, présidente de l’organisme Santé urbanité. 

Mme Elsener a d’ailleurs siégé à titre de membre citoyenne au Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques (GTCA) créé par le gouvernement Legault dans le quartier Limoilou. 

Le futur tramway, étant électrique, devrait aider à lutter contre la pollution atmosphérique, précise Mme Elsener, qui ajoute qu’il y a également un écart entre Québec et Montréal dans le développement du réseau cyclable.

Outre l’école Les Primevères, la station Henri-IV à Québec compte la deuxième moyenne de particules fines la plus élevée dans la province.

-
Station de mesure
Québec
École Les Primevères
-Station en milieu urbain

Mauvaise qualité d'air en 2022
43 jours

Contaminant principal
Particules fines PM2.5

Moyenne annuelle du contaminant
Microgrammes par mètre cube (µg/m3)
9,46
Norme OMS : 5
-
Station de mesure
Québec
Henri IV
-Station en milieu urbain

Mauvaise qualité d'air en 2022
24 jours

Contaminant principal
Particules fines PM2.5

Moyenne annuelle du contaminant
Microgrammes par mètre cube (µg/m3)
9,38
Norme OMS : 5
-
Station de mesure
Québec
Vieux-Limoilou
-Station en milieu urbain

Mauvaise qualité d'air en 2022
20 jours

Contaminant principal
Particules fines PM2.5

Moyenne annuelle du contaminant
Microgrammes par mètre cube (µg/m)
8,69
Norme OMS : 5

La station du Vieux-Limoilou figure également parmi les pires.

«Il y a eu des controverses locales, à Limoilou, mais notre message est qu’il y a des particules fines partout à Québec et des impacts partout [...] donc on a intérêt à réduire les émissions partout», observe le Dr Robert.

Victime des vents?

Celui-ci apporte tout de même quelques nuances sur le mauvais bilan de Québec.

«À Québec, il y a une mobilisation citoyenne importante depuis plusieurs années et ça a peut-être mis le dossier [de la qualité de l’air] un peu plus à l’avant-plan», observe-t-il

L’expert indique aussi qu’une partie de la pollution de l’air de Québec est amenée là par les vents.

«Les vents dominants viennent du sud-ouest, donc de la vallée du Saint-Laurent vers le nord en suivant le fleuve. C’est sûr qu’il y a une partie [de la pollution] qui vient de Montréal et une partie qui vient des États-Unis, de la région des Grands Lacs», décrit-il.

Il ajoute que les particules voyagent sur plusieurs kilomètres. À l’été 2020, par exemple, un incendie dans une tourbière du Bas-Saint-Laurent a entraîné une grande quantité de particules fines à Québec et même jusqu’à Longueuil.

Montréal s’est améliorée 

Joël Lemay / Agence QMI

Depuis 10 ans, les Montréalais respirent un peu mieux.

Station
Les pires stations à Montréal
PARTICULES FINES
STATION Nombre de jours de mauvaise qualité de l’air Moyenne annuelle
(PM2,5)
1. Échangeur Décarie 189,08
2. Saint-Jean-Baptiste 108,43
3. Rivière-des-Prairies 96,94
4. Caserne 17 77,27
5. Aéroport de Montréal 76,55
Norme OMS : 5
Sources: Gouvernement du Québec, RSQAQ, RSQA MTL, OMS

«Montréal a été la première ville canadienne à s’occuper de la pollution de l’air», a expliqué Fabrice Godefroy, chef de section du Réseau de surveillance de la qualité de l’air (RSQA) de la Ville de Montréal lors d’une conférence organisée par l’UQAM sur la qualité de l’air, au début février. 

La Ville de Montréal a effectivement banni en 2009 l’installation de poêles à bois non certifiés. Entre 2011 et 2014, des incitatifs financiers ont été offerts aux Montréalais pour retirer ou remplacer leur vieil appareil de chauffage. Il est également interdit depuis 2015 de se chauffer au bois lors des jours de smog. Et finalement, il est interdit, depuis 2018, d’utiliser un appareil non certifié.

Ainsi, de 2009 à 2021, le nombre de jours de smog à Montréal est passé de 35 à 7.

«Montréal a plus de problèmes, ils ont plus de population exposée et ils ont une densification plus importante, ce qui cause plus d’enjeux, donc c’est sûr que ça les a amenés à mettre en place des actions plus rapidement», précise d’Audrey Smargiassi, chercheuse associée à l’INSPQ.

Encore du chemin à faire

À Montréal, c’est le trafic qui est le principal responsable des émissions de particules fines 2,5, devant le chauffage au bois, qui suit de près, et loin devant les sources d’origines industrielles.

«Globalement, la qualité de l’air à Montréal s’améliore, mais ça reste une cause importante de décès prématurés», nuance en entrevue Alexandre Barris, toxicologue à la direction régionale de santé publique de Montréal.

Il reste donc encore du chemin à faire. Par exemple, si on regarde le secteur de Montréal-Nord, qui comprend la station Décarie et la caserne 17 sur la rue de Charleroi, les moyennes annuelles de particules fines demeurent parmi les plus élevées au Québec.

-
Station de mesure
Montréal
Caserne 17
-Station en milieu urbain

Mauvaise qualité d'air en 2022
7 jours

Contaminant principal
Particules fines PM2.5

Moyenne annuelle du contaminant
Microgrammes par mètre cube (µg/m3)
7,26
Norme OMS : 5
-
Station de mesure
Mont-Royal
Échangeur Décarie
-Station en milieu urbain

Mauvaise qualité d'air en 2022
18 jours

Contaminant principal
Particules fines PM2.5

Moyenne annuelle du contaminant
Microgrammes par mètre cube (µg/m3)
9,08
Norme OMS : 5

À quel endroit est-il donc préférable d’habiter? En ville ou en région?

«J’irais pas tout de suite déménager loin des villes, car c’est pas évident que vous allez avoir une meilleure qualité de l’air», a déclaré David Widory, professeur à l’UQAM et spécialiste de la traçabilité de la pollution atmosphérique, qui participait à la même conférence que M. Godefroy.

«Ça va vraiment dépendre de la météo aussi. En fait, si vous vous éloignez des villes [...], soit vous suivez le panache de contamination et c’est pratiquement comme si vous habitiez en ville, soit vous vous écartez du panache et là, vous aurez un gain en termes de qualité de l’air», a-t-il dit.

Il n’y a pas que de l’arsenic dans l’air de Rouyn-Noranda 

Thierry de Noncourt/La Frontière/Agence QMI

La station Monseigneur-Rhéaume Est enregistre une des moyennes les plus élevées de dioxyde de soufre, un polluant principalement émis par le secteur industriel, ici provenant de la fonderie Horne. Elle est dépassée seulement par la moyenne annuelle du parc Powell à Saguenay, influencée par la présence d’alumineries. 

La station voisine, celle du parc Tremblay, est la seule à Rouyn-Noranda à mesurer les particules fines à Rouyn. On compte ainsi 31 journées où les particules ont contribué à une mauvaise qualité de l’air.

Mauvaise qualité à cause de la papetière

Rayonier

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Après l’école Les Primevères à Québec, c’est à la station Témiscaming où l’on a compté le plus de jours de mauvaise qualité de l’air en 2021, soit 39. Les particules fines sont les grands responsables, mais pour l’une de ces journées, le dioxyde de soufre était aussi élevé. Ce secteur est influencé par la proximité avec une installation industrielle, soit le Complexe Témiscaming (Rayonier). La station étant dans une vallée étroite, la dispersion des émissions de la papetière est limitée. Sa moyenne d’émission de particules fines est aussi la troisième plus élevée de toutes les stations, soit 9,37 ug/M3, presque deux fois plus que la norme de l’OMS. Elle dépasse aussi la norme canadienne de 8,8 ug/M3. À noter que Rayonier n’est pas soumis à une norme de qualité d’air ambiant. La direction de santé publique est préoccupée par les impacts des particules fines sur la santé et a demandé que l’usine soit soumise à une norme d’air ambiant dans sa prochaine attestation d’assainissement, dont le renouvellement est en cours.

Et chez vous? Et chez vous?
  Station de mesure
  Entreprise

Méthodologie

Sources : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, données du site Web du Réseau de surveillance de la qualité de l’air du Québec (RSQAQ), Réseau de surveillance de la qualité de l’air (RSQA) de la Ville de Montréal, Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le nombre de jours de mauvaise qualité de l’air a été calculé pour les PM2,5, l’ozone (O3), le monoxyde de carbone (CO) et le dioxyde d'azote (NO2) en fonction des seuils du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Certaines stations ne calculent pas ces contaminants et en mesurent d’autres pour lesquels nous n’avons pas trouvé de seuil.

Pour les PM2,5, il s’agit du nombre de jours où, au moins une fois dans la journée, la moyenne sur trois heures était supérieure à 35 µg/m3. La moyenne annuelle des PM2,5 et du dioxyde de soufre (SO2) a été calculée en faisant la moyenne des concentrations horaires captées durant l’année.

Pour la moyenne annuelle des stations Lac-Édouard et Sherbrooke – Parc Cambron, les moyennes journalières ont été utilisées à la place des données horaires.

La norme de l’OMS est utilisée sur la carte pour les stations mesurant les particules fines. Pour le dioxyde de soufre, il s’agit de la norme canadienne.

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