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Les urgences débordées par les skieurs blessés

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Les nombreux skieurs blessés depuis le début de l’hiver mettent une forte pression sur les urgences des hôpitaux, une situation amplifiée par l’achalandage de la relâche scolaire.  

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«L’équation beaucoup de monde, beaucoup de jeunes, beaucoup de gens inexpérimentés égale plus de blessés à l’infirmerie», constate le Dr Nicolas Bernard, urgentologue à l’hôpital de l’Enfant-Jésus (CHUQ) et patrouilleur au Mont-Sainte-Anne. 

«On est parfois dépassés carrément, avoue la Dre Michèle Lucey, chef de l’urgence de l’hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, à Cowansville. Des fois, l’urgence se remplit complètement.»  

L’achalandage est revenu à la normale d’avant la pandémie dans les stations de ski du Québec, avec une moyenne d’environ six millions de visiteurs par année. 

Simon-Pierre Landry

Photo Pierre-Paul Poulin

Vitesse excessive, témérité dans les parcs à neige, inexpérience : de nombreux sportifs de tous âges voient leur journée prendre un virage vers l’hôpital. Personne n’est à l’abri, débutant comme expert.  

«Les skieurs et planchistes débutants sont plus à risque que les experts puisqu’ils présentent un taux de blessures plus élevé, prévient Claude Goulet, vice-doyen à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et chercheur émérite dans la prévention des blessures en milieu sportif. Mais les skieurs et planchistes experts se blessent plus sévèrement en raison, entre autres, de la vitesse.»  

  • Écoutez l'entrevue du skieur Mikael Kingsbury avec Philippe-Vincent Foisy avant son départ au Kazakhstan en mars :

Blessures

Bien que la majorité des blessés obtiennent un congé de l’hôpital rapidement, plusieurs adeptes de glisse doivent être soignés pour un trauma ou opérés pour diverses fractures (voir plus bas).

La Dre Lucey constate plus d’accidents dangereux au cours des dernières années.

«La vitesse ne pardonne pas, on n’est pas blindé comme dans un véhicule [...] Dans les jumps, certains n’ont pas toujours l’expérience. Ils suivent les amis, mais ce sont des grandes chutes de 10 à 12 pieds [de haut] quand ils tombent sur de la glace», évoque-t-elle. 

Dans la petite urgence de Cowansville (16 civières), les blessés affluent tous les jours durant l’hiver. Certains soirs, 10 patients et plus proviennent des montagnes de Bromont ou Sutton.  

«Pour les patients, c’est l’accident de leur vie de se casser le tibia-péroné, mais des fois, on en a deux ou trois dans la même journée», explique le Dr Simon-Pierre Landry, urgentologue à l’hôpital Laurentien (Sainte-Agathe-des-Monts), qui dessert le mont Tremblant, dans les Laurentides. 

Simon-Pierre Landry

Photo Pierre-Paul Poulin

12 000 par an

Les hôpitaux ne tiennent pas de statistiques récentes sur les blessures en ski et en planche à neige. Au ministère du Sport, du Loisir et du Plein air du Québec, on estime qu’il y a environ 12 000 blessures par an, un taux qui aurait toutefois légèrement baissé depuis (voir autre texte).  

Depuis 2010, 23 décès sont survenus sur les pentes du Québec, selon le Bureau du coroner. Deux autres se sont ajoutés depuis le début de 2023.  

Du côté de la compagnie ambulancière Paraxion, qui dessert la région de Mont-Tremblant, la moitié des appels proviennent de la montagne durant les fins de semaine d’hiver.  

Selon des médecins, les accidents surviennent surtout en fin d’après-midi ou en soirée, à cause de la noirceur et de la fatigue. 

«Le classique, c’est entre 13 h et 16 h l’après-midi, c’est l’arrivage des ambulances des pentes de ski! souligne le Dr Landry. Pour nous, c’est la routine.»  

Simon-Pierre Landry

Photo Pierre-Paul Poulin

Les gens âgés sont aussi plus à risque de blessures, puisque leurs muscles et ligaments sont moins forts.  

Pas de risque nul  

Malgré tout, les urgentologues encouragent les gens à pratiquer ce sport, mais à demeurer prudents en réduisant la vitesse et en portant le casque. 

«Comme en automobile, il y a des accidents. Mais on ne va pas empêcher les gens de faire du ski, dit le Dr Landry. C’est un sport avec un certain niveau de risque, mais c’est un très beau sport. Des accidents arrivent, et il faut qu’on soit capable de réduire au maximum les risques.» 

UN BILAN QUI S’AMÉLIORE TRANQUILLEMENT  

La proportion d’accidents de ski sur les pentes est en légère baisse depuis quelques années, analyse un expert dans le domaine. 

«De 2000 à 2018, on a vu des diminutions des taux de blessures», constate le chercheur Claude Goulet, de l’Université Laval. 

Selon ses données, le Québec est passé de 2,1 à 1,9 blessé par «1000 jours ski», entre 2001 et 2018. 

Le dénominateur commun des «1000 jours ski» est utilisé pour établir un taux représentatif. Un «jour ski» équivaut à une visite à la montagne. À titre d’exemple, s’il y a 5000 adeptes sur les pistes en une seule journée, il y aurait 9,5 blessés, si on utilise le taux de 2018.

La diminution des blessures est plus significative chez les planchistes. La proportion est passée de 3,6 à 1,3 blessé par «1000 jours ski», alors que le ski alpin est demeuré stable à 1,5.

Notons que les hommes ainsi que les 12-24 ans sont plus à risque de se blesser, selon des études publiées en 2015 et 2019.  

Les hôpitaux près des stations de ski dans le rouge 

Hôpital de Cowansville 194 %

Hôpital de Sainte-Agathe-des-Monts 144 %

Hôpital de l’Enfant-Jésus (CHUQ) 125 %

Hôpital Sacré-Cœur 96 % 

*Taux d’occupation des civières à l’urgence, 3 mars 2022

Source : MSSS 

Un dangereux cocktail sur les pistes  

L’alcool ou la drogue peuvent représenter un cocktail dangereux pour les sportifs qui dévalent les pentes alors qu’ils sont intoxiqués, rappellent des experts.

«Il n’est pas rare qu’on voie des gens prendre place dans un télésiège avec une bière à la main ou que des odeurs de la Saint-Jean émanent des chaises devant», constate Jean Côté, directeur des communications de la Patrouille canadienne de ski.  

Consommation interdite 

Pour des raisons de sécurité, la consommation d’alcool ou de drogues est interdite sur les pentes, indique sur son site l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ).

Mais la réalité est tout autre : plusieurs sportifs se présentent intoxiqués, constatent les patrouilleurs et les médecins.  

«On ne conduit pas notre voiture en étant intoxiqué, je ne vois pas pourquoi on dévalerait une pente à 30 km/h intoxiqué», réagit le Dr Simon-Pierre Landry, urgentologue à l’hôpital de Sainte-Agathe-des-Monts.  

La problématique existe depuis des décennies, mais la légalisation du cannabis amène son lot de défis pour la prévention. Malgré l’interdiction, il y en aurait plus en circulation. Elle serait aussi plus courante chez les jeunes, signale M. Côté.  

Billet révoqué

Aucune statistique disponible ne montre que les substances causent plus d’accidents, mais les médecins sont unanimes: c’est un dangereux mélange.  

Lorsqu’ils se font prendre intoxiqués, les contrevenants s’exposent généralement à la révocation de leur billet. 

Or, le Code pénal prévoit diverses sanctions, qui peuvent aller jusqu’à une peine de prison si un individu intoxiqué cause des blessures graves ou encore la mort d’un autre usager, indique le site de l’ASSQ.  

Les blessures les plus fréquentes 

  • Trauma crânien et cervical
  • Commotion cérébrale
  • Fracture colonne et vertèbre
  • Fracture clavicule
  • Blessures aux poignets 
  • Déchirures ligaments des genoux
  • Fracture tibia-péroné 

Le destin tragique d’un passionné de ski à l’aube d’une retraite méritée

Richard Hétu a rendu l’âme à la station Val Saint-Côme, dans Lanaudière, le 3 avril 2022.

Photo fournie par la famille

Richard Hétu a rendu l’âme à la station Val Saint-Côme, dans Lanaudière, le 3 avril 2022.

Un véritable passionné de ski a connu une fin tragique sur les pentes l’an dernier en percutant un arbre à la suite d’un malaise cardiaque. 

Au bout du fil, une femme endeuillée raconte les derniers moments de son amoureux, Richard Hétu, 53 ans, parti trop tôt en s’adonnant pleinement à sa passion.

«Richard, il aimait rire et faire rire. Il aimait être entouré de ses amis», souffle son amoureuse Annie Gauthier lors d’une touchante entrevue sur les circonstances de son décès. 

«Le ski, c’était sa passion. Il trippait. À sa retraite, il voulait rester dans son chalet, être auprès de ses deux enfants et vivre paisiblement sans le stress du travail. Je le voyais heureux dans sa tête et je l’entendais constater sa chance», poursuit-elle.

Le chalet qu’il avait bâti en campagne lui procurait un sentiment de liberté. Et dévaler les pentes lui procurait un sentiment de bonheur absolu.

La vie en a toutefois décidé autrement

Le matin du 3 avril dernier, alors qu’il dévalait la montagne de Val Saint-Côme en bordure de piste, l’homme de 53 ans aurait éprouvé un malaise cardiaque. Il aurait chuté, avant de percuter un arbre. La tête et le cou coincés, il s’est retrouvé en arrêt cardio-respiratoire.

À l’infirmerie

Malgré leurs manœuvres, les secouristes n’ont pu le réanimer. Ils ont constaté son décès à l’infirmerie, au pied des pentes.  

«J’ai pu avoir un moment avec lui dans la “cabane”, raconte avec détermination Mme Gauthier. Je l’ai aperçu avec un sourire, le visage serein. Cette image me permet de passer un peu mieux à travers le deuil, car je sais qu’il est parti heureux.»

«Mais c’est triste, car il n’a pas pu profiter de tout ce qu’il avait planifié après une vie professionnelle marquée par le stress et un travail exigeant sur le corps.»

Le coroner a conclu dans son enquête qu’il était décédé d’asphyxie positionnelle à la suite de son accident de ski, qui aurait pu avoir été causé par un malaise cardiaque. 

Équipement disparu

Comble de malheur, la famille de M. Hétu n’a jamais retrouvé son équipement.

Malgré des recherches intensives, la famille n’a jamais récupéré le casque, les lunettes et les bottes. La femme peine à s’expliquer comment cet équipement a pu disparaître, elle qui n’a pu récupérer que la montre du défunt. La perte est d’autant plus grande que son fils aurait aimé conserver les bottes, en mémoire de son père. 

La famille a porté une plainte au Protecteur du citoyen, qui n’a relevé toutefois aucune erreur des instances publiques.

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