Dix ans après la spectaculaire évasion en hélicoptère survenue à Saint-Jérôme, les prisons du Québec sont encore de véritables passoires alors que moins de 15 % des cours extérieures sont grillagées.
En mars 2013, Dany Provençal et Benjamin Hudon-Barbeau, deux détenus de l’Établissement de détention de Saint-Jérôme, prenaient la poudre d’escampette suspendus à une corde attachée à un hélicoptère.

Capture écran, J.E
Les fugitifs s’évaderont finalement, suspendus à une corde attachée à l’aéronef.
Deux complices ont aidé à leur évasion, dont Steven Marchisio, qui revient pour la toute première fois sur cet événement spectaculaire, à l’émission J.E, diffusée ce soir à 21 h 30 à TVA (voir texte plus bas).
Quinze mois plus tard, en juin 2014, le même scénario se répétait. Trois imposants trafiquants de drogue en attente de leur procès s’échappaient du Centre de détention de Québec, aussi à bord d’un hélicoptère.
Bien que tous ces fugitifs aient été rattrapés, ces événements ont eu l’effet d’une bombe au ministère de la Sécurité publique qui a commandé une enquête administrative. Cette dernière a notamment révélé que ces évasions étaient étonnantes, mais prévisibles.
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22 cours grillagées sur 150
Face à la situation, la ministre de l’époque, Lise Thériault, avait pris l’initiative de grillager plus de cours extérieures. Son successeur, Martin Coiteux, disait quant à lui avoir un plan pour grillager des cours extérieures.
Or, dans les 10 ans suivants la première évasion, seulement 11 nouvelles cours ont été grillagées, incluant celles des centres de détention flambant neufs.
Au total à ce jour, seules 22 des quelque 150 cours extérieures réparties dans 18 centres de détention sont munies de grillages. La Sécurité publique refuse de dévoiler lesquelles, par mesure de sécurité.
Le gouvernement de la CAQ « envisage » aujourd’hui la réalisation d’une quinzaine de cours sécurisées supplémentaires, un nombre qui pourrait être revu à la hausse. Son objectif n’est toutefois pas de sécuriser l’ensemble des cours, insiste le ministère.
Rien pour encourager le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels, Mathieu Lavoie, qui doute que ce projet ne soit complété un jour.
Pas à l’abris d’une évasion
La situation est telle qu’il ne serait pas surpris qu’une autre évasion héliportée se reproduise dans n’importe quelle prison de la province, incluant celles de Saint-Jérôme et de Québec.
« Le service correctionnel n’a pas les moyens de ses ambitions, n’investit pas dans la sécurité de ses établissements, et ça vient porter préjudice à la sécurité de la population environnante, des établissements de détention et de son personnel », plaide Mathieu Lavoie.
Dans la foulée de ces évasions héliportées, Québec avait aussi planifié de mieux former les agents correctionnels.
« On a vu des notes de service passer. Mais ça ne sert à rien, si on n’a pas les outils, les effectifs, les ressources pour intervenir. [...] Clairement, ça ne fonctionne pas », dénonce-t-il.
Il s’excuse d’avoir enlevé le pilote

Photo d'archives
Stevens Marchisio en entrevue à la prison de Sainte-Anne-des-Plaines.
L’un des complices qui a détourné un hélicoptère pour réaliser la spectaculaire évasion de Saint-Jérôme a présenté ses excuses pour avoir « scrappé » la vie du pilote qu’il a enlevé à la pointe d’une arme à feu.
« Je suis sincèrement désolé pour le geste que j’ai commis envers ta personne », lance Steven Marchisio, qui livre, pour la toute première fois, sa version des faits.
« J’espère qu’un jour, tu vas savoir me pardonner », poursuit celui qui est incarcéré au pénitencier de Sainte-Anne-de-Plaines.
En entrevue à J.E, le délinquant au lourd passé criminel raconte avoir été recruté par un codétenu pour collaborer à l’évasion héliportée de Benjamin Hudon-Barbeau et Dany Provençal. Confronté à des informations concernant sa famille, Marchisio affirme ne pas avoir eu d’autres choix que d’accepter, sentant que ses proches pouvaient être en danger.
La date de l’évasion avait été fixée au 17 mars 2013. Marchisio aurait alors prétexté un grave problème de consommation pour être admis en désintoxication et quitter ainsi la prison. Il n’est resté que quelques heures dans une maison de thérapie, avant de prendre la fuite.
Hélicoptère détourné
Marchisio et un complice se sont ensuite présentés chez Héli-Tremblant pour un vol touristique d’une heure. Une fois à bord, Marchioso a sorti son arme, qu’il a appuyée derrière la tête du pilote.
Le pilote n’a eu d’autre choix que de se rendre à la prison de Saint-Jérôme. L’engin s’est posé sur le toit de l’établissement, une corde a été lancée dans la cour pour que les deux détenus montent à bord, en vain.
« J’ai dit aux deux gars : accrochez-vous sur la corde ! », se souvient Marchisio.
Les détenus ont obtempéré, l’hélicoptère a décollé pour atterrir 1,7 kilomètre plus loin, avec les fugitifs toujours suspendus à la corde.
Ces derniers ont poursuivi leur fuite à bord d’un VUS, avant d’être épinglés quelques heures plus tard.