Frustrés par le manque de réponses à leurs questions concernant le blocage de nouvelles par Google Canada, des députés fédéraux ont forcé la dirigeante de l’entreprise à prêter serment au beau milieu d’une séance de comité, vendredi.
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Sabrina Geremia, vice-présidente de Google et directrice de Google Canada, s’est livrée à une performance de patinage artistique pendant deux heures, après que l’entreprise a confirmé que le blocage de nouvelles pour 1,2 million de Canadiens prendrait fin la semaine prochaine.
«C’est dégoutant ce que nous voyons aujourd’hui», a lancé le libéral Chris Bittle. «Dans mes sept ans en poste, je n’ai jamais vu un témoin être assermenté au milieu de son témoignage parce que les membres du comité ne croient pas que vous êtes honnête, Mme Geremia.»
«Vous faites semblant de ne rien savoir. Si c’est vrai, je crois que vos actionnaires devraient être outrés, mais je crois que vous êtes évasive», a-t-il ajouté devant ses collègues au comité permanent du Patrimoine.
Le blocage de nouvelles canadiennes sur sa plateforme, qui a débuté en février, n’était qu’un «test» fait «en toute transparence», a souligné a multiples reprises Mme Geremia, présente par visioconférence.
«Nous sommes littéralement en processus d’essayer de collecter de l’information pour essayer de comprendre quel serait l’impact de C-18», a-t-elle déclaré.
Google a «testé» le blocage de nouvelles comme moyen de pression contre le projet de loi C-18 du gouvernement Trudeau qui forcerait les géants du web à reverser une part des profits obtenus aux dépens des médias canadiens en forçant la signature d’ententes.
Bien peu de réponses concrètes ont percolé durant la rencontre du comité, qui devait initialement avoir lieu lundi, mais qui a été reportée à vendredi en raison de problèmes techniques.
Attendus de pied ferme, Mme Geremia et son collègue Jason Kee, gestionnaire des politiques publiques chez Google Canada, ont notamment plaidé le «peu de temps alloué» à la préparation avant leur apparition.
C’est d’ailleurs une des raisons qui ont été évoquées pour n’avoir pas soumis une liste des médias canadiens pénalisés par la politique de Google avant la réunion, comme le réclamaient les membres du comité. Google n’a pas non plus fourni d’explication sur l’absence de plusieurs de ses dirigeants basés aux États-Unis, malgré l’invitation à comparaitre.
Parmi les questions restées sans réponses, Mme Geremia a évité de dire si Google s’est servi des données personnelles des utilisateurs pour mettre en œuvre sa politique et esquivé de nombreuses questions portant sur l’identité exacte du groupe ou qui a décidé de la stratégie de blocage.
Incrédules devant les phrases creuses, les membres du comité, de plus en plus à l’avenant, se sont mis d’accord pour forcer les témoins à prêter un serment d’allégeance, procédure réservée en de rares occasions.
«En tant que présidente, je dois dire que j’ai de la difficulté quand les questions sont assez claires [...] et qu’elles ne sont pas répondues», a prononcé Hedy Fry, présidente du comité.
De peine et de misère, le libéral Anthony Housefather a réussi à faire avouer à Mme Geremia que le directeur des affaires mondiales et directeur juridique de Google, Kent Walker, était au courant de la directive controversée.
Même les conservateurs, plutôt froids à l’égard de C-18, ont néanmoins laissé transparaitre leur frustration.
«La perception est la réalité, et vous avez manqué votre chance», a déclaré le conservateur Martin Shields.