Les deux établissements québécois soupçonnés par la Gendarmerie royale du Canada d’être des « postes de police » chinois se sont mêlés de politique lors des derniers scrutins municipal et provincial, a découvert notre Bureau d’enquête.
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Des messages rédigés en chinois simplifié sur le compte WeChat commun du Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal et du Centre Sino-Québec de la Rive-Sud montrent que les deux organismes ont mis de l’avant des candidats au détriment d’autres.
Par exemple, lors de la dernière campagne électorale municipale à l’automne 2021, il était recommandé explicitement de voter pour deux candidats du parti Coalition Brossard, dont Xixi Li, directrice générale des deux établissements.
« Le jour du vote, vous avez deux bulletins, dont l’un pour voter pour le conseiller municipal. Prière de voter Xixi Li ; l’autre pour voter pour le maire, prière de voter Michel Gervais », peut-on lire.
Parmi les deux candidats, seule Xixi Li a été élue. Michel Gervais a été battu par la mairesse actuelle Doreen Assaad.
- Écoutez l'entrevue avec Henri-Paul Normandin, ancien diplomate en Chine, analyser la découverte des postes de police chinois via QUB radio :
Des messages au provincial
Toujours en chinois simplifié sur le réseau social chinois WeChat, les deux centres ont aussi communiqué à propos de l’élection provinciale, l’automne dernier. Nous avons retrouvé deux messages portant sur les candidats de la Coalition Avenir Québec et du Parti libéral du Québec, « très susceptibles (de) gagner dans la ville de Brossard ».
« Nous souhaitons que vous profitiez de cette occasion en faisant un choix qui bénéficiera à vous-même ainsi qu’à la communauté », pouvait-on lire après une invitation à cliquer vers un article présentant les deux candidats.
C’est finalement la libérale Linda Caron qui a raflé le siège de cette circonscription qui comporte une grande diaspora chinoise, tout juste devant le caquiste Samuel Gatien.
Nous n’avons pas retracé de messages similaires, à caractère politique, rédigés en français ou en anglais sur les comptes Facebook des deux centres.
Jamais partisans, vraiment ?
Pourquoi ces organismes communautaires, qui offrent des cours de langue et du soutien aux nouveaux arrivants, se mêlent-ils du débat politique ? On n’avait pas répondu à nos demandes d’entrevues au moment de publier ces lignes.
La semaine dernière, avant que nous obtenions copie de ces messages à caractère politique, Xixi Li nous avait pourtant indiqué au cours d’une brève conversation téléphonique que ces organismes n’avaient jamais été « partisans ou quoi que ce soit ».
« On est un organisme à but non lucratif local. [...] On a toujours été pour le bien-être de la communauté chinoise, pour aider les aînés et les gens dans des situations défavorables, qui sont handicapés ou qui ont des problèmes de santé mentale », avait-elle énuméré.
Les deux centres sont soupçonnés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d’être, à l’instar de quatre autres centres recensés ailleurs au pays par l’ONG espagnole Safeguard Defenders, des « postes de police » clandestins pour le compte des autorités chinoises.
La GRC a évoqué la semaine dernière que des citoyens de la diaspora chinoise pourraient être intimidés ou menacés par le régime communiste chinois en lien avec ces centres.
- Écoutez l'entrevue avec Christine Normandin, leader adjointe du Bloc Québécois, porte-parole de la Défense nationale et députée de Saint-Jean à l’émission de Yasmine Abdelfadel diffusée chaque jour en direct 14 h 15 via QUB radio :
Sur fond d’ingérence
La présumée ingérence de la Chine dans la démocratie canadienne fait couler beaucoup d’encre depuis déjà quelques mois.
Un comité parlementaire fédéral travaille d’ailleurs à déterminer si des mandataires de la Chine seraient intervenus lors des élections de 2019 et 2021.
L’ex-député conservateur ontarien Kenny Chiu a notamment attribué sa défaite à une campagne de désinformation sur la plateforme WeChat.
– Avec la collaboration de Yves Lévesque
Un biais sans équivoque
Les communications en chinois simplifié recommandaient explicitement de voter pour deux candidats en particulier à l’élection municipale de l’automne 2021

Photos tirées de la page WeChat du Service à la Famille chinoise du Grand Montréal
- « Le jour du vote, vous avez deux bulletins, dont l’un pour voter pour le conseiller municipal. Prière de voter Xixi Li ; l’autre pour voter pour le maire, prière de voter Michel Gervais », lisait-on dans une publication WeChat
- À plusieurs reprises, les noms de M. Gervais ou de Mme Li ont été surlignés ou encadrés en rouge dans des publications informatives qui expliquaient comment aller voter.