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Ingérence chinoise: le lanceur d’alerte brise le silence

Photo d'archives, Agence QMI

Après les soupçons, c’est maintenant officiel : les nombreuses fuites au «Globe and Mail» concernant l’ingérence chinoise dans les affaires canadiennes sont le fait d’un employé du Service canadien du renseignement de sécurité (SCCRS) en mission pour que le gouvernement retrousse ses manches et prenne le taureau par les cornes. 

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Conscient d’avoir brisé la loi à plusieurs reprises, le lanceur d’alerte autoproclamé exprime ses motivations sous le couvert de l’anonymat dans un texte inédit publié par le quotidien torontois vendredi après-midi.

L’employé annonce en préambule que sa loyauté réside non pas en quelconque «parti ou personne, mais en son pays, ses institutions démocratiques et ses concitoyens canadiens».

Inquiets de l’«importance» que représentait la menace de l’ingérence étrangère, le lanceur d’alerte et ses collègues ont travaillé pour «équiper nos dirigeants avec les connaissances et les outils requis pour y faire face».

«Les mois ont passé, puis les années. La menace est devenue de plus en plus pressante, mais aucune action sérieuse n'a été entreprise», poursuit-il.

«Je me suis efforcé, seul et avec d'autres, de faire part de mes préoccupations concernant cette menace directement à ceux qui étaient en mesure de demander des comptes à nos hauts fonctionnaires. Malheureusement, ces personnes n'ont pas été en mesure de le faire.»

Le fonctionnaire, un électeur libéral à plus d’une reprise, ne croit pas que l’ingérence ait «dicté la composition du gouvernement fédéral» ou que quelconque élu soit un «traitre à la nation».

«Néanmoins, l'impact croissant de l'ingérence étrangère sur notre capacité à jouir d'un processus politique libre et équitable est indéniable», ajuste-t-il.

Il avertit de ne pas faire de cet enjeu un enjeu partisan, souhaitant plutôt que son texte serve d’avertissement, voire de source de motivation pour que les Canadiens «travaillent ensemble» et enjoint d’autres collègues à prendre le même risque en se «tenant debout pour ses principes».

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Des tensions avec le gouvernement?

Plusieurs commentateurs de la scène politique, experts et politiciens ont spéculé que les fuites répétées au «Globe and Mail» pendant le dernier mois pouvaient être une tentative de secouer le gouvernement de l’intérieur.

Lorsque le quotidien a confirmé l’existence d’actions délibérées par Pékin pour influencer les élections de 2019 et 2021, Justin Trudeau avait décoché une flèche à l’endroit du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

«C’est certainement un signe que la sécurité au niveau de la SCRS doit être révisée, et je m’attends à ce que la SCRS prenne très au sérieux cet enjeu», avait dit le premier ministre.

Deux enquêtes de la GRC et du SCRS n’ont pas permis à ce jour de dévoiler l’identité de l’individu.

À la suite d’une nouvelle révélation concernant le maire de Vancouver vendredi, M. Trudeau a déclaré que les révélations «non vérifiées» et «avec des sources incertaines» du «Globe and Mail» sur l’ingérence chinoise pourraient avoir un impact «possiblement plus grand» sur notre démocratie «que la déstabilisation ou l’influence directe de la Chine».

  • 21 décembre: Le «Globe and Mail» révèle que le premier ministre Justin Trudeau a reçu un breffage de sécurité nationale à l'automne dans lequel on l'informait que le consulat chinois de Toronto a ciblé 11 candidats - 9 libéraux et 2 conservateurs - durant la campagne de 2019.
  • 17 février: Le «Globe and Mail», sur la base de documents du Service de renseignement canadien (SCRS), indique que la Chine est intervenue dans la campagne de 2021. L’objectif était d'assurer l'élection d'un gouvernement libéral minoritaire et de défaire des députés conservateurs jugés hostiles à Pékin.
  • 18 février: Sur la base de documents du SCRS, le «Globe and Mail» explique comment la Chine protège un réseau de Canadiens alliés de Pékin dont elle dépend pour construire des relations, influencer et obtenir des informations de députés et de sénateurs. On indique que les diplomates chinois ont été avertis début 2022 de se faire discret en raison des enquêtes du SCRS.
  • 20 février: D'autres documents du SCRS dévoilent la stratégie d'influence de Pékin via les cyberattaques, les pots-de-vin, et la séduction sexuelle.
  • 28 février: Le Globe révèle que le SCRS a capté en 2014 une conversation entre le millionnaire chinois Zhang Bin et un attaché commercial d'un consulat chinois lui demandant de verser de 1M $ à la Fondation Trudeau.
  • 13 mars : Sur la base d’informations du SCRS, le «Globe and Mail» révèle que la Chine redirige ses étudiants vers les Canada pour étudier dans le secteur des technologies de pointe depuis que les États-Unis leur refusent des visas de crainte qu’ils ne participent à des opérations d’espionnage industriel et scientifique.
  • 16 mars: des informations du SCRS obtenues par le «Globe and Mail» montrent que le consulat chinois a interféré dans les élections municipales à Vancouver en 2022 afin de faire élire le premier maire sino-canadien de l'histoire de la ville.

-Avec Anne-Caroline Desplanques

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