Selon le gouvernement, en 2026, Québec aura besoin de 18 000 éducateurs de la petite enfance. La question qu’on se pose est : Comment est-ce possible d’atteindre cet objectif au sein d’un réseau qui peine déjà à retenir ses effectifs? Ne devrait-on pas aller à la source du problème et chercher les causes des difficultés de rétention avant de fournir des efforts pour le recrutement ? C’est la consolidation de la main-d’œuvre qualifiée qui permettra de bâtir par la suite un réseau fort, solide et de qualité pour nos tout-petits.
La profession d’éducateur de la petite enfance, qui nécessite des études supérieures, est essentielle afin de soutenir la mission des services de garde éducatifs à l’enfance (SGÉE), visant à favoriser l’égalité des chances et la réussite éducative. Le personnel éducateur actuellement en place est en mesure de répondre aux exigences professionnelles élevées, en plus d’appliquer un programme éducatif scientifiquement reconnu, qui d’ailleurs ressemble au programme éducatif maintenant utilisé au préscolaire.
Alors on se questionne: comment une profession qui contribue à la richesse d’un pays, et ce, tant sur les plans monétaires qu’humain, peut-elle susciter si peu d’intérêt ? Comment une profession aussi essentielle pour le développement des enfants et qui permet d’offrir des places en service de garde de qualité aux enfants qui les fréquentent peut-elle être si peu valorisée et reconnue par la société ?
Qualité éducative
Il y a un consensus en ce qui concerne le rôle primordial de l’éducation de la petite enfance à l’échelle internationale. D’ailleurs, en novembre 2022, l’UNESCO tenait la
Conférence mondiale sur l’éducation et la protection de la petite enfance, à Tachkent, en Ouzbékistan. Des experts du monde y étaient réunis afin de s’exprimer sur l’importance cruciale des 1000 premiers jours de vie d’un enfant. Pendant que les voix se multiplient en ce qui concerne la nécessité d’une qualité éducative en petite enfance, ici, au Québec, la grande priorité s’oriente autrement : le mot «éducation» rime très rarement avec «petite enfance».
L’effet protecteur des services éducatifs de la petite enfance n’étant plus à prouver, le gouvernement du Québec a adopté en 2017, la loi 143, qui vise à améliorer la qualité éducative afin de soutenir le développement de l’enfant. En même temps, nous entendons dans les discours publics que nous sommes principalement un service de garde pour les parents qui travaillent. Cela crée en nous une dissonance cognitive.
Rôle essentiel
Même dans les discours du premier ministre, l’impression qui en ressort est que les seuls porteurs du flambeau de l’éducation au Québec sont les enseignants. Or, les personnes éducatrices sont responsables et répondent quotidiennement aux besoins d’un groupe d’enfants. Elles soutiennent leur développement et leurs apprentissages et elles leur offrent des soins avec bienveillance. Les apprentissages acquis lors de la période du 0 à 5 ans sont essentiels et permettent de forger des bases solides pour le parcours scolaire, ainsi que pour le reste de la vie. Sachant cela, il est difficile de concevoir que les personnes porteuses de l’éducation de cette tranche d’âge soient si peu considérées.
Nous sommes convaincues que l’absence de reconnaissance et de valorisation à l’égard de l’importance de notre rôle dans le développement des enfants est nuisible, tant à la rétention qu’au recrutement des personnes éducatrices. Ce qui est vraiment dommage, puisqu’au bout du compte, ce sont les enfants qui paient les frais du manque de stabilité résultant de la pénurie de main d’œuvre qualifiée en service de garde éducatif à l’enfance. N’est-ce pas pourtant cette précieuse stabilité qui devrait primer en petite enfance ?
Émilie Dechamplain
Emma Bernard
Élizabeth O’Farrell
Mariève Péloquin
Du Mouvement valorisons ma profession