Les deux « postes de police chinois » clandestins sous la loupe de la GRC à Montréal ne sont pas les seuls au pays et encore moins dans le monde. L’ONG espagnole Safeguard Defenders en a répertorié 102 dans 53 pays. À quoi servent-ils, comment fonctionnent-ils et pourquoi faut-il s’en inquiéter ? Tour d’horizon.
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Depuis quand sont-ils en activité ?
La plupart des postes de police documentés par Safeguard Defenders ont commencé leurs activités en 2016 et se sont rapidement multipliés depuis, essentiellement dans des pays démocratiques.
La Overseas Affairs Commission chinoise était cependant active bien avant l’apparition des premiers postes de police. Mehmet Tohti, le directeur du Projet de défense des droits des Ouïghours, une minorité religieuse chinoise persécutée, a en effet commencé à recevoir des menaces d’agents de ce bureau chez lui en banlieue de Toronto au début des années 2000.
À quoi servent-ils ?
Ils offrent réellement des services à la diaspora, comme la délivrance de documents officiels, ou l’organisation d’événements culturels. La plupart n’ont donc ni agents en uniforme ni cellules. Toutefois, Pékin indique officiellement qu’ils ont pour mission d’inciter les présumés criminels chinois de la diaspora à se livrer à la justice chinoise.
Mais ces présumés « criminels », ciblés sans preuve et punis sans procès, sont très souvent des dissidents ou des gens qui ont fui les persécutions ethniques et religieuses en Chine, indique Safeguard Defenders. On parle notamment de Ouïghours, de Tibétains, de pratiquants du Falun Gong, ou de Taïwanais.
En avril 2022, Pékin a affirmé que grâce à ses opérations à l’étranger, elle avait arrêté 634 000 « suspects » en 2021.
Pourquoi faut-il s’en inquiéter ?
L’un des problèmes est qu’ils contournent les lois locales pour imposer aux personnes d’origine chinoise celles qui ont cours en Chine. Ce sont aussi des tremplins pour le Département du travail sur le front uni, organisation dont Pékin se sert « pour étouffer les critiques et infiltrer les partis politiques étrangers, les diasporas, les universités et les multinationales », indique Sécurité publique Canada.
C’est précisément ce qu’a documenté le Service canadien du renseignement et de sécurité, d’après les documents obtenus ces dernières semaines par The Globe and Mail et Global News.
La réaction du Canada est-elle adéquate ?
Pour Laura Harth, directrice de campagne de Safeguard Defenders, la réponse du Canada « a été une des meilleures vues dans le monde ».
En entretien à Radio-Canada, elle a salué la condamnation ferme et claire des opérations d’ingérence et d’intimidation, les enquêtes menées par la GRC et la ligne d’assistance téléphonique mise en place pour les victimes chinoises de la répression transnationale.
Le premier ministre Trudeau a été un des rares dirigeants à soulever le problème auprès de son homologue chinois au sommet du G20 à Bali, l’automne dernier, quitte à subir ses remontrances publiques. À l’inverse, ailleurs dans le monde, comme en Italie, certains gouvernements collaborent avec la Chine, la laissant multiplier ses postes de police.