La Chambre des communes à Ottawa planche présentement sur le projet de loi C-18 qui, s’il venait à être adopté, obligerait les géants du web comme Facebook ou Google « à conclure des ententes d’indemnisation équitables avec les entreprises de presse pour le partage de leurs contenus journalistiques »1.
Mais voilà que les deux géants brandissent la menace de retirer tout contenu journalistique de leurs plateformes, jugeant injuste qu’on s’attaque à leur statut d’intouchable pour une rare fois en Amérique du Nord (ce qui se fait plus régulièrement en Europe)
Il est à noter que Google et Facebook ont des statuts hégémoniques dans leurs champs d’activités respectifs. En effet, le moteur de recherche Google totalisait 88% de part de marché au Canada en 20202, et Facebook avait été utilisé au moins une fois lors du dernier mois par 77% des Canadiens lors du printemps 2018. C’est loin devant son plus proche poursuivant qui est... Instagram, à 31% (propriété de Meta, la maison mère de Facebook)3.
Statut hégémonique
Ce statut hégémonique commence toutefois à poser un problème, ou devrais-je dire, le fait qu’il pose un problème est de plus en plus apparent. En effet, selon le Digital News Report 2022, un cumulatif de 52% des Canadiens s’informaient principalement soit par des sites web ou des applications de nouvelles (27%), ou par les médias sociaux (25%)4. Il ne faut pas se creuser les méninges bien longtemps pour comprendre que le statut hégémonique de Google dans l’indexation des sites web, et de Facebook comme média social pose un risque réel à la circulation de l’information si ceux-ci décidaient de retirer tout contenu journalistique de leurs plateformes.
Dépendance ?
Mais cette saga nous permet également de nous poser des questions sur notre rapport aux médias sociaux ainsi qu’aux médias d’information. En effet, que resterait-il sur Facebook s’il n’y avait plus de nouvelles? Des mèmes et des vidéos cocasses je suppose, mais rien de très pertinent en soi. Et Google serait-il encore un moteur de recherche intéressant s’il venait à exclure tout contenu journalistique de ses résultats? J’en doute, malgré la puissance reconnue de son algorithme (d’ailleurs nourrit de façon douteuse par nos données personnelles).
1 Saba, Michel, « Le projet de loi C-18 adopté, Facebook réitère sa menace de retirer les nouvelles », Le Soleil, 14 décembre 2022, consulté le 14/03/2023, URL https://www.lesoleil.com/2022/12/14/le-projet-de-loi-c-18-adopte-facebook-reitere-sa-menace-de-retirer-les-nouvelles-3e297cbced3c6767acf0f0dc0bec33b2
2 Chercher dans le Web, UQÀM, consulté le 14/03/2023, URL https://infosphere.uqam.ca/rechercher-linformation/chercher-web/
3 Brousseau-Pouliot, Vincent, « Qui utilise quel réseau social au Canada? », 4 février 2019, consulté le 14/03/2023, URL https://www.lapresse.ca/techno/reseaux-sociaux/201902/04/01-5213416-qui-utilise-quel-reseau-social-au-canada.php
4 Centre d’études sur les médias, Regard sur les pratiques d'information au Canada | Digital News Report 2022, 2022, URL https://www.cem.ulaval.ca/wp-content/uploads/2022/06/cem_digital_news_report_2022_regard.pdf
Il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas réellement dépendants de Facebook ou de Google. Nous utilisons ces outils afin de répondre à nos besoins (que ce soit de communiquer et d’avoir accès à de l’information). Si Google ou Facebook, par rapacité, venaient à ne plus répondre à nos besoins, il suffirait seulement de changer d’outil. Bien que ces deux géants nous semblent indispensables après environ deux décennies d’utilisation, ils ne sont pas les seuls à offrir les services qu’ils offrent. Plusieurs alternatives plus éthiques sont à deux cliques de distance sur la Toile.

Photo courtoisie, Anna Tompkins
Jérémy Plamondon, Gatineau