Revirement inattendu à l’enquête publique sur la mort de Norah et Romy Carpentier alors que l’avocat représentant des officiers de la Sûreté du Québec s’oppose au dépôt du rapport et au témoignage d’un policier retraité chargé d’analyser les opérations de recherches menées en juillet 2020, remettant en doute son impartialité. L’enquête est donc suspendue pour les deux prochains mois.
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Le témoignage d’Alain Croteau était l’un des plus attendus de l’enquête publique pour faire la lumière sur les décès des petites Norah et Romy.
Avant d’être mandaté par le coroner Luc Malouin pour évaluer le travail des équipes de recherches, le retraité de la Sûreté du Québec qui a une vingtaine d’années d’expérience en recherches terrain avait participé à un reportage de l’émission Enquête diffusé en mars 2022. Il y était très critique de ses anciens collègues, pourfendant notamment la décision d’avoir déplacé les recherches même après avoir trouvé une première trace de pas.
C’est cette prise de parole qui fait sourciller Me Daniel Rochefort, mandaté pour représenter l’Association professionnelle des officiers de la Sûreté du Québec, soit les policiers qui étaient en charge des opérations sur le terrain. Selon ses dires, certaines recommandations ont fait sourciller ses membres alors qu’Alain Croteau n’avait pas participé au dossier Carpentier, mais était présent lors de certains débreffages.
L’avocat est donc catégorique, M. Croteau ne peut être entendu.
«Pour nous, il n’a pas les qualités d’expert. Il n’est pas impartial», a invoqué le représentant de l’association, alors que devait s’ouvrir le témoignage de l’expert.

Photo d'archives, TVA Nouvelles
Inattendu
Le procureur général du Québec, qui représente la SQ et le ministère de la Sécurité publique, s’est également rangé derrière les revendications de Me Rochefort, indiquant avoir soulevé son inconfort plus tôt dans l’enquête quant à l’impartialité du témoin.
Ce à quoi Luc Malouin a rétorqué que de l’inconfort manifesté n’équivalait pas à s’opposer littéralement à l’audition d’un expert le matin même de son témoignage.
«J’aurais aimé le savoir avant ce matin», a fait remarquer le coroner aux parties.
L’avocat de la famille de la mère des victimes, Me Jean-François Leroux, a lui aussi sourcillé en entendant les récriminations des avocats.
«Ce rapport-là a été transmis depuis belle lurette et personne n’a transmis par écrit au coroner son intention de rejeter le rapport. Parce que ce sera ça la conséquence de ne pas reconnaître M. Croteau, ce sera de rejeter son rapport», a fait valoir Me Leroux.
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Pause pour analyse
Cette sortie imprévue a forcé la suspension de l’enquête, au moins pour les deux prochains mois.
Le coroner Malouin a choisi de laisser 30 jours aux parties pour établir leur position sur l’aptitude d’Alain Croteau à être entendu comme expert. Luc Malouin se laisse ensuite une autre période de 30 jours pour rendre sa décision, lui qui a demandé aux parties d’identifier des disponibilités à leur agenda à compter du 21 mai prochain.
«J’ai bien l’intention qu’on finisse cette enquête-là avant la Saint-Jean-Baptiste [24 juin]. Il y a une famille et c’est ma priorité», a insisté le coroner. «On va défaire nos horaires s’il le faut.»
Visiblement secouée par la nouvelle de ces nouveaux délais à sa sortie de la salle d’audience, Amélie Lemieux a réagi par l’entremise de ses avocats.
«C’est une super grande déception pour [la famille]. Avec les derniers échéanciers, c’était assez clair que l’on devait terminer cette semaine. Ça a débuté le 13 février dernier, mais il y a eu tout un travail en amont. De voir que ça ne sera pas complété avant juin, c’est très difficile à accepter», a confié Me Jean-François Leroux au nom de la famille Lemieux.
L’équipe du bureau du coroner s’affairera aussi pendant ce temps à établir un plan B, soit de trouver un autre expert advenant le cas où les parties rejetaient le témoignage d’Alain Croteau.
Rendue à sa 15e journée d’audience, la commission d’enquête publique devait se terminer cette semaine avec les témoignages de deux experts en recherches terrain, Alain Croteau et Gérald Malette, en plus du Dr Alain D. Lesage, psychiatre. La mère des petites, Amélie Lemieux, doit aussi reprendre la parole avant que ne soient entendues les représentations des parties intéressées.