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McGill français, version 2023

Antoine Robitaille

À la fin des années 1960, craignant que l'explosion démographique ne les prive de places dans les universités montréalaises existantes, des jeunes militants nationalistes organisèrent une manifestation monstre réclamant la francisation de McGill.

L'«Opération McGill français», menée entre autres par le felquiste Mario Bachand et le professeur Stanley Gray, eut lieu le 28 mars 1969. Le mois suivant, l'Université du Québec à Montréal (UQAM) était créée. Cela calma les appréhensions.

Dans certaines des facultés de McGill (notamment le Droit), on fit des efforts. Mais 54 ans plus tard, différents reportages démontrent qu'un puissant rappel s'impose.

«Diversity»

Non seulement le français est négligé dans les communications internes, comme le montrait mardi un reportage de Radio-Canada, mais le site web de McGill «n'est pas toujours traduit en français, notamment la page sur l'équité, la diversité et l'inclusion».

Symbole fort. Le français, dans le Canada de 2022, comme l'écrivait Mario Dumont en juin, ce n'est «plus la diversité». Pour bien des militants de gauche, la «diversity» suffit.

Quand une langue domine, elle en vient souvent à se prendre pour l'idiome indépassable de l'humanité. À la fin Du XVIIIe siècle, le français regardait de haut les autres parlers; et Antoine Rivarol publia son fameux «Discours sur l'universalité de la langue française».

Quartier latin

Aujourd'hui l'anglais chante «We are the world» et cela a des conséquences sérieuses à Montréal.

La création de l'UQAM avait contribué à créer un quartier latin francophone. Aujourd'hui, comme le fait remarquer le chercheur militant Frédéric Lacroix, dans la revue Action nationale (no de mars), «tout le quartier autour [...] est en état de décrépitude avancée».

À l'image du français et de ses institutions universitaires qui semblent de plus en plus négligées? Créée peu après l'UQAM, en 1974, Concordia était considérée comme son pendant anglophone. Même but: améliorer l’accès aux études universitaires.

Au départ plus populeuse, l'UQAM perdit du terrain graduellement face à Concordia. À partir de 2018, les effectifs de celle-ci «dépassèrent ceux de l’UQAM». En 2022, Concordia avait 3494 de plus que l'UQAM, note Lacroix.

Dévaluation

Bien sûr, que des institutions anglophones existent à Montréal est un atout. Mais à trop les chouchouter, on en vient à dévaluer les francophones.

Le professeur Martin Maltais s'étonnait dans nos pages lundi qu'en 2022-2023, Québec ait accordé «près de 200 millions de dollars» en subvention à 3 universités anglophones pour que des étudiants «non québécois [...] contribuent à l’anglicisation de Montréal et du Québec».

Dans son discours du budget, mardi, le ministre des Finances Éric Girard, avec fierté, annonçait «650 millions de dollars pour promouvoir la culture québécoise et la langue française». Bravo en effet.

Permettez un peu de mauvaise foi? C'est juste un peu plus que le 620 millions de dollars en aide de Québec à McGill, pour s'agrandir dans l'ancien hôpital Royal Victoria.

La moindre des choses, ce serait que la vénérable université respecte la Charte de la langue française, et donne une vraie place en son sein à la langue de Molière.

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