Ce n’est pas la panique. Mais certainement le branle-bas de combat dans les villes et villages du Québec pour limiter l’hébergement temporaire privé de type Airbnb.
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La situation était déjà problématique. Elle risque de le devenir davantage alors qu’une loi permet à l’ensemble des Québécois, depuis aujourd’hui, de louer leur résidence principale comme bon leur semble, pour une période d’au plus 31 jours.
« Le dossier est excessivement complexe », reconnaît le maire de Saint-Donat et responsable de ce dossier litigieux à l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Joé Deslauriers.
Laborieux et cher
Pris en étau depuis des mois entre ceux qui souhaitent tirer un maximum de revenus de la location de leur résidence et les autres, qui cherchent à préserver leur quiétude, les élus municipaux marchent sur des œufs.
« On consulte et on consulte... On n’a pas le choix, souffle le maire Deslauriers. Je ne vous ferai pas de cachette : c’est lourd, c’est long, c’est laborieux et ça coûte cher. Pour chaque décision dans ce dossier, jusqu’à sept ministères peuvent être impliqués. »
Ces derniers jours, Le Journal a sondé à ce propos des dizaines d’élus et directions de municipalités. Tous en parlent comme d’une « patate chaude » que le terrible drame du Vieux-Montréal n’a fait qu’amplifier.
Élus et citoyens inquiets
Une minorité de conseils ont pris le dossier à bras le corps en cherchant pour la plupart à restreindre un usage, souvent déjà pratiqué, avec toutes les nuisances qu’on lui connaît.
Saint-Sauveur a rapidement agi en limitant ce droit aux seuls bas des pentes de ski, soit 5 % de son territoire. Malgré des protestations, Bromont a aussi tenté de contenir son empreinte à quelques rues.
« Les abus [...] ce n’est pas un fait non vécu chez nous », nous a confié Sébastien Couture, maire de Stoneham-Tewkesbury, aux prises aujourd’hui avec l’organisation de référendums à grands frais dans une trentaine de secteurs de son territoire.
D’autres municipalités, une majorité selon l’UMQ, auront préféré s’épargner ces troubles en laissant la nouvelle permission s’appliquer sur l’ensemble de leur territoire. Partout toutefois, le peu de moyens consacré au contrôle préoccupe.
Québec confirme qu’une municipalité qui n’a pas profité des deux dernières années pour restreindre l’application des nouvelles dispositions législatives pourra toujours tenter de se raviser par la suite.
Mais rien n’est assuré, prévient la mairesse de Magog, Nathalie Pelletier.
Selon elle, chercher à retirer après coup le droit acquis d’un citoyen s’avère tout sauf un pari gagné. À suivre.
QUE DIT LA NOUVELLE LOI SUR LA LOCATION À COURT TERME ?
- Tout Québécois, propriétaire ou locataire, est dorénavant autorisé à faire de la location à court terme de sa résidence principale, partout où elle n’a pas été préalablement interdite par la ville.
- Est considérée « résidence principale », le lieu où un citoyen « demeure de façon habituelle en y centralisant ses activités familiales et sociales, notamment lorsqu’elle n’est pas utilisée à titre d’établissement d’hébergement touristique ».
- Celui qui souhaite louer sa résidence principale doit détenir une attestation de classification et d’un numéro d’établissement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec.
- En cas d’infractions répétées, le ministère du Tourisme pourra en tout temps suspendre ou retirer une attestation d’établissement de résidence principale.
Limiter pour préserver le centre-ville
Déjà confrontée à une forte pression des villégiateurs, la municipalité de Magog, dans les Cantons-de-l’Est, s’apprête à couper court à tout risque que les plateformes d’hébergement temporaire de type Airbnb en viennent à dénaturer son centre-ville.
« C’est bien correct que des visiteurs choisissent de s’établir chez nous pendant quelques jours, affirme la mairesse Nathalie Pelletier. Toutefois, nous ne voudrions pas qu’ils finissent par dépasser en nombre les citoyens qui y habitent. Ce serait mauvais pour tous. »
Pour parvenir à ce délicat équilibre, le conseil municipal a entamé il y a deux semaines des procédures de modification réglementaire afin de limiter le nombre d’habitations ou logements destinés à l’hébergement touristique.
Un maximum de 100
C’est ainsi que sur la portion de moins d’un kilomètre, où la location temporaire est permise, la Ville s’apprête à s’imposer une limite de 100 unités de résidences de tourisme.
Déjà, deux bâtiments en construction prévoient l’ajout de 58 unités de location temporaire dans le secteur. Une fois complétés, il suffirait qu’une quarantaine de logements soient convertis en résidences de tourisme pour que le maximum soit atteint.
Ailleurs à Magog, la location touristique à court terme, dans les résidences principales comme secondaires, a été interdite partout, à l’exception d’une zone comptant seulement quatre maisons.
« Nous avons préféré l’interdire tout de suite. Car une fois que la porte a été ouverte à un tel usage, il est loin d’être certain qu’une ville saura facilement renverser un tel droit acquis. »