Depuis le dévoilement de la publicité du gouvernement du Québec sur le déclin du français, de nombreuses personnes réagissent en se disant attaquées dans leur manière de parler. Ainsi dit-on que le gouvernement viserait « les jeunes » dont on leur ferait la leçon.
Plusieurs représentants des Canadiens français hors Québec ont quant à eux vus une offensive contre leur parlure. Une fois de plus, ces communautés nous révélaient leur propension à la division entre peuples francophones d’Amérique et leur incapacité à viser le vrai responsable du déclin, à savoir le régime canadien. Il est toujours plus facile de faire du Québec le bouc émissaire de tous les problèmes plutôt que de voir la vérité en face.
Si les Canadiens français hors Québec s’imaginent vraiment que les Québécois prennent de haut leur accent et leur vocabulaire, ils devraient apprendre que la réalité, plus dure, est que les Québécois sont à peine au courant de leur existence. Cette ignorance est le résultat d’une marginalisation définitive des Canadiens français hors Québec causée par la politique migratoire démentielle d’Ottawa. En dehors du Québec, les francophones n’ont plus aucun avenir politique digne de ce nom, voilà la triste vérité.
Acculturation
L’emploi d’anglicismes n’est pas le témoignage d’une manière unique et riche de parler. Elle révèle au contraire une acculturation qui aliène un peuple et le rend étranger aux sources fécondes à l’origine de sa naissance. Cette acculturation mène tôt ou tard un peuple à son assimilation définitive, à la manière des Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre ou des Cajuns de la Louisiane dont il ne reste que quelques traces admirables.
Il faut le dire, ceux qui tiennent absolument à répéter leurs anglicismes font preuve d’une paresse qui condamne le français d’Amérique en un créole médiocre. Défendre le français, c’est nécessairement apprendre à bien le parler et à en expurger les erreurs. Dire « insane », « taste », « chill » n’a rien de beau, encore moins d’édifiant. Aurait-on vu Baudelaire ou Nelligan employer de tels mots? La langue française implique une culture, une histoire et une harmonie qui doivent être respectés si nous tenons vraiment à son héritage et à sa beauté. Apprendre les anglicismes pour mieux les neutraliser devrait se faire dès l’école secondaire, chose à laquelle aurait dû penser le gouvernement du Québec depuis bien longtemps avant ses publicités.
Nationalisme verbal de la CAQ
Il y a une autre chose à noter dans cette grotesque comédie. Alors que le gouvernement du Québec fait la leçon au commun des mortels, il se trouve incapable de poser des gestes minimaux pour garantir la pérennité du français. Le nationalisme strictement verbal de ce gouvernement s’apparente de plus en plus à une démission collective dissimulée.
Ainsi le gouvernement du Québec refuse-t-il d’étendre la loi 101 au cégep, alors qu’elle constitue une action minimale pour l’avenir. Le gouvernement est également incapable de confronter Ottawa sur sa politique migratoire de noyade démographique. Il préfère aussi financer de manière faramineuse l’empire McGill et laisser crouler l’UQÀM dans un piteux état. Il ne fera également jamais rien face à la prédominance très nette de l’anglais dans des domaines de recherche et de travail de grande réputation, comme l’intelligence artificielle ou l’informatique.
Chaque fois que nous touchons aux vraies affaires, ce gouvernement plie l’échine et collabore avec les visées assimilationnistes du régime canadien. Des petites publicités comiques ne changeront rien et ne servent pour le moment que de poudre aux yeux.

Photo fournie par Philippe Lorange
Philippe Lorange, Étudiant à la maîtrise en sociologie – UQÀM