La réforme du ministre de la Santé Christian Dubé a mené à une surenchère de critiques de la part des oppositions, jeudi. «Wet Dream» de Gaétan Barrette, Dubé le «mini-ministre»: les critiques ont fait preuve de créativité.
«Il vient de se passer quelque chose d'incroyable, Mme la Présidente, le premier ministre vient de se féliciter d'accomplir... moi aussi, je vais dire un mot en anglais, le “Wet Dream” de Gaétan Barrette. Il vient de nous dire : Moi, je vais aller jusqu'où Gaétan Barrette n'est jamais allé...», a lancé le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, au Salon bleu jeudi matin.

Photo d'archives, Stevens LeBlanc
Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois
Le premier ministre François Legault n’a pas tardé à lui répliquer «qu'il n'est plus un chef étudiant, mais qu'il est à l'Assemblée nationale», en l’invitant à faire attention à son choix de mots.
Quelques minutes plus tôt, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, s’était demandé à quoi servira le ministre après une fois que la nouvelle agence Santé Québec prendra en charge les opérations quotidiennes.
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Le contraste entre les responsabilités concentrées dans les mains du super-ministre Pierre Fitzgibbon et celles qui resteront entre les mains du ministre de la Santé est saisissant, croit Marc Tanguay. «On aura un mini-ministre de la Santé, pas un super-ministre», a-t-il ironisé.

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Le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay
Le premier ministre François Legault a balayé ces craintes du revers de la main. «Ce qu’on voit depuis hier, c’est que les oppositions et les syndicats défendent le statu quo», a-t-il déclaré.
La réforme de M. Dubé ne mènera pas à moins d’imputabilité du ministre, assure-t-il. «Il va continuer d’y avoir des périodes de questions et il va continuer à y avoir des oppositions qui vont nous demander de rendre des comptes, avec raison. Donc, il n’y a rien de changé», dit François Legault.

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Le premier ministre François Legault
La nomination d’un gestionnaire local dans chaque installation (hôpitaux, CHSLD, etc.) permettra d’ailleurs une plus grande imputabilité directement sur le terrain, estime le premier ministre.
«La bonne gestion, c’est que Québec, la haute direction, évalue les résultats, mais laisse le choix des moyens localement. Pis la ben... ça leur donne de la corde. Ils peuvent se pendre avec, mais ils ont une obligation de résultat, de donner des bons services de qualité», a-t-il affirmé.
Centralisation
Mais les oppositions ne partagent pas son avis.
Du côté de Québec solidaire, ce nouveau brassage de structures poursuit la centralisation du réseau amorcée par Philippe Couillard sous le gouvernement Charest, puis poursuivie par Gaétan Barrette sous le gouvernement Couillard.
«C’est un trip de pouvoir de bureaucrates, s’est indigné le porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois. C’est une réforme par et pour les bureaucrates (...). La centralisation a mis le bordel dans le système, et là le gouvernement dit qu’il va aller encore plus loin.»
Pire encore, cette réforme «ne changera rien pour les patients», pensent les solidaires.
«Ça ne va pas améliorer les soins, ça ne va pas ramener d’infirmières dans le réseau de la santé», a soufflé M. Nadeau-Dubois.
Les péquistes sont du même avis. «C’est le plus grand effort de centralisation qu’on a jamais vécu», a laissé tomber le député Joël Arseneau, qui ne voit «pas vraiment» d’un bon œil le projet de loi de Christian Dubé.
«On voit que l’esprit du projet de loi (...), c’est qu’on présente ça comme un projet qui va permettre une gestion de proximité, alors qu’on décèle le contraire», a-t-il dit.
«Pour la gestion de proximité : on va nommer des directeurs un peu partout, et là, pour nous, nommer des gestionnaires qui ne demandent plus d’un conseil d'administration élu, mais qui dépendent des gestionnaires de Québec», a-t-il illustré.
Mobilité du personnel
Toutefois, tout n’est pas noir. La proposition de reconnaître l’ancienneté du personnel du réseau de la santé partout au Québec pour favoriser la mobilité du personnel d’une région à l’autre est pour sa part bien reçue par les oppositions.
Toutefois, il faudra s’assurer que le personnel qui a quitté le réseau public pour aller travailler dans des agences de placement de personnel revienne dans le réseau de la santé, a exprimé le député péquiste Joël Arseneau.
Adoption rapide
Le ministre Dubé, qui a dit souhaiter mercredi une adoption rapide de son projet de loi, devra réfréner ses ardeurs. «Ça fait plusieurs années que je suis ici. Un projet de loi de 1200 articles, je n’ai jamais vu ça», a lâché le député libéral André Fortin, qui estime que l’étude de la pièce législative prendra du temps.
De même, les péquistes croient qu’il ne sera pas possible d’adopter ce projet de loi avant la fin de la session en juin, mais ils n’écartent pas la possibilité qu’il le soit d’ici la fin de l’année 2023.