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La loi 101 peut-elle sauver les cégeps francophones?

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Le réseau collégial a été créé, à la fin des années 60, pour permettre aux francophones d’avoir un meilleur accès aux études supérieures. Cet égalitarisme n’est pas seulement économique: il vise à former des citoyens actifs dans une société démocratique. 

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Cependant, l’afflux d’étudiants francophones et allophones vers les cégeps anglophones menace cet égalitarisme.

L’afflux de non-anglophones dans les cégeps anglophones s’inscrit dans une politique de croissance dans laquelle l’augmentation du nombre d’étudiants est le moyen d’augmenter le financement.

Une injustice historique

Rappelons que les cégeps anglophones sont peuplés aux deux tiers d’étudiants non anglophones. Frédéric Lacroix a démontré que, depuis le milieu des années 90, les cégeps anglais ont capté 95% de la hausse du nombre d’étudiants à Montréal. Alors que les cégeps francophones s’épuisent en recherche marketing et en diversification de leur offre de programme, un seul facteur est vraiment déterminant : l’anglais.

Il faut savoir que les anglophones du Québec ont toujours utilisé l’éducation comme moyen de conserver leur position dominante.

Selon l’historien Jean Philippe Croteau, l’existence de deux réseaux confessionnels, protestant et catholique, dont chacun était financé par les taxes foncières de la communauté qu’il sert, garantissait autrefois que les protestants anglophones, beaucoup plus riches en moyenne que les francophones catholiques, jouissent d’écoles mieux financées, donc plus attirantes.

Le néo-libéralisme a aujourd’hui succédé au colonialisme britannique. Le droit à la croissance braque les cégeps les uns contre les autres, et instaure une logique de concurrence qui fragilise le réseau collégial. Le bien commun et l’accessibilité à tous n’est plus la priorité.

Élitisation

Le principe d’égalité est aussi mis à mal par la sélection des étudiants opérée par les cégeps anglophones, sélection rendue possible par l’afflux massif de demandes provenant des étudiants francophones et allophones. Il en résulte un effet « d’écrémage » qui concentre les étudiants les plus forts dans les cégeps anglophones, et les autres dans les cégeps francophones.

Cette division entre étudiants forts et moins forts se redouble d’une autre: le secteur préuniversitaire devient de plus en plus anglophone, et le secteur technique, plutôt francophone. C’est le résultat de la croissance effrénée du préuniversitaire anglophone, qui décerne maintenant plus de la moitié des diplômes de ce secteur collégial sur l’île de Montréal.

Le Québec pourrait se retrouver déchiré entre une élite universitaire anglicisée qui monopolise les postes décisionnels, et des techniciens francophones cantonnés aux postes subordonnés.

La domination de l’anglais dans les conseils d’administration des grandes entreprises québécoises et le recul du français comme langue de travail montrent que ce risque n’est pas théorique, mais bien concret.

On assiste ainsi à la revanche du marché économique et de l’individualisme libéral anglo-américain sur l’égalitarisme démocratique issu de la Révolution tranquille québécoise.

L’extension de la loi 101 aux cégeps serait une façon de réaffirmer la primauté du politique et de l’égalité démocratique. Ne laissons pas l’économie nord-américaine anglophone nous empêcher de conserver le français.

Guy Rocher a déjà parlé de l’adoption de la loi 101, en 1977, comme d’une deuxième Révolution tranquille. Osons en commencer une troisième.

Georges-Rémy Fortin, Enseignant en philosophie au collège de Bois-de-Boulogne

Membre du Regroupement pour le cégep français

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