Déjà débordés, les organismes venant en aide aux plus démunis de Rouyn-Noranda redoutent la hausse anticipée des demandes de citoyens qui devront être relogés après la création d’un espace tampon près de la Fonderie Horne, propriété de Glencore.
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«Il me semble qu’évidemment, cette histoire de zone tampon va produire un gonflement de la demande», a expliqué Guillaume Daraignez, intervenant social à l’organisme la Maison du soleil levant, qui vient en aide aux personnes en situation d’itinérance.
Seulement la semaine dernière, cinq personnes ont essuyé un refus en frappant à la porte de l’organisme. M. Daraignez ne croit pas que la demande va fléchir au cours des prochains mois. Il soutient que son organisme réfère des personnes vers Val-d’Or, Amos, La Sarre ou Ville-Marie lorsque les gens sont d’accord. Certains refusent cette possibilité.
«N’y voyez pas de cynisme, mais nous avons 25 places, a-t-il expliqué. La Maison du soleil levant ne va pas pousser les murs pour une décision qui arrange une multinationale milliardaire. Les gens vont souffrir de ça. Certaines personnes ne seront pas relogées».
La Fonderie Horne fait les manchettes en raison de ses émanations de métaux lourds, notamment d’arsenic, dépassant la norme québécoise.
Devant le tollé suscité, Québec a annoncé l’acquisition par Glencore de 82 immeubles et une zone tampon pour éloigner les résidents du quartier Notre-Dame de la source de pollution. Or, plusieurs résidents des immeubles visés sont déjà suivis par les services des organismes communautaires, que ce soit en santé mentale, toxicomanie, pauvreté et exclusion.
Ce secteur est l’un des plus défavorisés de Rouyn-Noranda. À cela s’ajoute une crise du logement qui dure depuis plus d’une quinzaine d’années et un taux d’inoccupation des logements très bas (0,8 %).
Peu de logements
Professeur de travail social et ancien conseiller municipal, Philippe Marquis rappelle qu’il n’y a pas beaucoup de logements disponibles dans la région.
«Idéalement, on aurait besoin de 200 ou 300 logements sociaux, mais les gouvernements supérieurs ont coupé dans ces programmes», a mentionné M. Marquis, qui dénonce la concentration croissante de la propriété du parc locatif et les logements en location sur la plateforme Airbnb à Rouyn-Noranda.
À l’organisme Le Pont, qui intervient en santé mentale, on est tout aussi préoccupé. La seule annonce de la zone tampon a déjà perturbé des bénéficiaires de l’organisme.
«Certains craignent de se ramasser dans la rue, de perdre leurs repères, illustre le directeur général Bruno Bisson qui constate une hausse de l’anxiété. Ils ne savent pas où ils vont se ramasser, ils n’ont pas de réponse. Il y en a qui étaient partis dans des délires ou dans des sentiments de persécution. [Est ce] parce que j’ai dérangé et qu’ils veulent me mettre dehors?»
M. Bisson note que le gouvernement devra tenir compte de l’accessibilité des services — hôpital, pharmacie, épicerie, organismes communautaires — dans la relocalisation de cette population fragile.
«Il faut qu’ils soient capables de se rendre là sans prendre un taxi à 30 piastres. Le choix va être entre [faire] une épicerie ou [aller voir] mon infirmière? C’est plate, mais c’est ça», a-t-il poursuivi.
Organismes cherchent local
Par ailleurs, au moins six organismes situés dans la zone tampon devront aussi déménager. Ils ont déjà été fragilisés par la pandémie et heurtés de plein fouet par la pénurie de main-d’œuvre.
La coordonnatrice de la Concertation régionale des organismes communautaires (CROC-AT) est réoccupée quant à la poursuite de leurs activités.
«On n’a pas de réponse sur comment ils vont être soutenus et accompagnés dans cette décision qui leur est imposée. Ça représente une grosse charge de travail», a souligné Marie-Ève Duclos d’autant que les locaux commerciaux abordables au centre-ville sont pratiquement inexistants.