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«Liberté» contre les mesures sanitaires: un antimasque se fait servir une leçon de droit

Photo d'archives, Agence QMI Joël Lemay

Un antimasque qui plaidait sa «liberté» pour défier le port du couvre-visage obligatoire durant la pandémie s’est fait servir une leçon de droit en se faisant rappeler que, face à la justice, plaider son ressenti ne suffit pas pour avoir gain de cause.

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«Certes, le tribunal peut concevoir que le défendeur se sent bafoué par cette mesure, mais ce sentiment, qui lui est propre, ne peut suffire à justifier la non-conformité d’un décret», a récemment rappelé le juge Ghislain Lavigne après avoir entendu la cause de Claude Bergeron, au palais de justice de Trois-Rivières.

Bergeron, 60 ans, disait pourtant avoir confiance d’obtenir gain de cause, convaincu que les chartes des droits et libertés canadienne et québécoise et la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’ONU allaient faire pencher la balance de son bord.

Il espérait ainsi faire annuler un constat d’infraction de 1000$ reçu en mai 2021 pour avoir manifesté sans couvre-visage, et espérait même recevoir de l’argent de l’État, qui avait selon lui bafoué ses droits.

Durant la pandémie, des manifestations contre les mesures sanitaires étaient ponctuellement organisées, comme celle-ci, survenue le 12 septembre 2020 à Montréal.

Photo d'archives, Martin Alarie

Durant la pandémie, des manifestations contre les mesures sanitaires étaient ponctuellement organisées, comme celle-ci, survenue le 12 septembre 2020 à Montréal.

  •  Écoutez la chronique Gibeault-Dutrizac avec Nicole Gibeault juge à la retraite, entre autres au sujet de cet antimasque, au micro de Benoit Dutrizac sur QUB radio : 

Leçon de droit

Or, contrairement aux guides de contestations judiciaires diffusés par certains opposants aux mesures sanitaires, il ne suffit pas de crier «liberté» pour s’en sortir. Ainsi, il y a un protocole à respecter, comme de déposer dans le dossier de cour un aperçu de ses prétentions. Et Bergeron ne l’avait pas fait.

«Ces irrégularités, à elles seules, peuvent justifier le rejet de l’avis», a rappelé le juge, qui a tout de même accepté de l’entendre.

Et tant sur la forme que sur le fond, Bergeron a essuyé un cuisant échec.

C’est que dans sa plaidoirie, Bergeron invoquait un article de la Charte des droits et libertés de la personne qui fait référence à une personne accusée au criminel, alors qu’il ne l’est pas. Il a ensuite plaidé sa «liberté d’expression» et son «droit de circuler» prétendument bafoués en raison des décrets, mais le juge lui a rappelé que ses gestes démontraient par eux-mêmes que ce n’était pas le cas.

«Il est particulier de remarquer que le défendeur, alors qu’il participe légalement à une manifestation, alors qu’il se trouve à plus de 100 kilomètres de chez lui, considère que le port d’un masque chirurgical entrave sa liberté d’expression et limite son droit de circuler», a noté le magistrat.

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Un discours au «je»

Bergeron a ensuite appris à la dure que d’invoquer une violation à la Charte des droits et libertés de la personne n’est que le début d’une potentielle défense, et qu’il y a ensuite d’autres étapes à suivre.

«Le défendeur ne peut se contenter de dire qu’un droit est restreint, il doit prouver en quoi la limite imposée est constitutionnellement déraisonnable», lui a expliqué le juge.

L’antimasque s’est ensuite fait rappeler que son discours au «je» ignorait complètement l’intérêt général. Or, dans une société libre et démocratique, la justice ne peut pas faire abstraction de cet aspect, a dit le tribunal.

Débouté sur toute la ligne, Bergeron reviendra à la cour à la fin du mois pour contester son constat d’infraction, s’il estime avoir d’autres moyens de défense.

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