/news/law

Accusé à tort: un ex-toxicomane violenté par la police libéré

Les poignets de Michel Junior Charron endoloris par les menottes après son séjour au poste de police d’Amos en août 2020.

Photo déposée à la cour

Les poignets de Michel Junior Charron endoloris par les menottes après son séjour au poste de police d’Amos en août 2020.

Un ex-toxicomane accusé sans aucune preuve de conduite avec les facultés affaiblies vient d’être libéré des charges qui pesaient contre lui en raison d’abus répétés des policiers à son égard lors de son arrestation.

«La conduite reprochée aux policiers est grave. [...] Ils ne doivent pas profiter des importants pouvoirs qu’ils détiennent pour excéder les limites qui leur sont imposées au risque de créer des situations qui dégénèrent comme dans le présent cas», a lancé le juge Jacques Ladouceur au palais de justice d’Amos, en Abitibi-Témiscamingue. 

Ce dernier a mis fin, le 28 avril dernier, au processus judiciaire contre Michel Junior Charron, accusé de conduite avec les capacités affaiblies, mais aussi de voies de fait, de menaces de causer la mort ou des lésions corporelles aux policiers et d’avoir résisté à ceux-ci, notamment.

Le 3 août 2020, les agents de la Sûreté du Québec ont reçu un appel concernant une sortie de route à Preissac, en Abitibi-Témiscamingue. Notons que dans la décision, les policiers n’ont été désignés que par leur nom de famille.

Arrivés sur les lieux, ils ont découvert la voiture de Michel Junior Charron dans le fossé, gravement accidentée. 

L’homme de 46 ans est considéré comme un individu «violent» par le Centre de renseignements policiers du Québec. Ce dernier a plusieurs antécédents criminels, notamment en matière de voies de fait et d’introduction par effraction.  

Témoignage policier remis en doute

Peu après son arrivée sur la scène de l’accident, le sergent Gélinas a mis en état d’arrestation Michel Junior Charron pour conduite avec les facultés affaiblies par la drogue. 

Le conducteur avait pourtant soutenu qu’il n’avait pas pris de drogue, aucune odeur de cannabis n’avait été détectée et la fouille n’avait pas permis de trouver de substance illicite. 

Le policier a affirmé en cour l’avoir arrêté parce qu’il était «très, très très somnolent», avait les paupières «très très lourdes», avait une démarche chambranlante et un temps de réponse plus long que la normale. 

Le juge Ladouceur a toutefois accordé très peu de valeur au témoignage du sergent Gélinas, qu’il a qualifié de «truffé d’exagérations, d’incohérences, d’invraisemblances et de contradictions». 

«Rien ne pouvait laisser croire raisonnablement au sergent Gélinas que l’accusé avait conduit son véhicule avec les facultés affaiblies», a-t-il tranché. 

Menotté beaucoup trop serré

Ainsi, lorsque le sergent Gélinas a procédé à l’arrestation de Charron, ce dernier était «mécontent», si bien que le policier a alors demandé l’aide de son collègue pour le menotter.

«La mise des menottes a alors contribué à détériorer la situation, celles-ci ayant été mises d’une façon beaucoup trop serrée et provoquant des douleurs réelles chez l’accusé», lit-on, précisant que Charron a eu des douleurs aux poignets pendant un mois et demi. 

Les policiers ont ensuite décidé d’utiliser la force à son endroit, notamment en lui assénant des coups de pied, en lui mettant un masque anticrachat et en l’aspergeant de poivre de Cayenne. 

La tête dans la toilette pour se laver

Michel Junior Charron a alors été transporté au poste de police d’Amos et demeurera dans sa cellule, menotté dans le dos, durant près de dix heures. 

Ces contentions empêchaient l’accusé d’utiliser l’eau du robinet pour se rincer le visage. Il a donc dû se plonger la tête dans la cuvette de la toilette pour diminuer sa douleur causée par le poivre de Cayenne.

Lors de cette manœuvre, Charron a même «entendu des commentaires et des rires de certains policiers», indique-t-on.

Lors de sa libération, l’accusé a demandé que des photos de ses poignets soient prises afin de démontrer les blessures causées par les menottes. 

Michel-Junior-Charron

Photo déposée à la cour

Le policier qui a photographié ses mains, où l’on voit des traces profondes aux poignets, a qualifié les blessures de «sérieuses» à la cour.

«Le fait de permettre la poursuite du procès face à un tel comportement des policiers, dans le contexte d’une prétendue infraction pour laquelle au départ le policier n’avait pas de motifs raisonnables de procéder à l’arrestation, n’est pas acceptable», a conclu le juge Ladouceur en ordonnant l’arrêt des procédures contre Michel Junior Charron.

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.