Le 8 mai dernier, on apprenait dans le Journal de Montréal qu’en 2022, moins de la moitié des élèves en cinquième secondaire, au Québec, auraient réussi à obtenir la note de passage en orthographe lors de l’examen du ministère de français.
Rappelons que ce seuil catastrophique s’accompagne déjà d’une correction de plus en plus permissive au fil des décennies, et qu’on peut facilement deviner que si les critères d’examen en vigueur il y a vingt ou trente ans avaient été appliqué aujourd’hui, ils en auraient fait échouer beaucoup plus.
Gardons également en mémoire que beaucoup de ces jeunes élèves continueront au cégep, puis à l’université, et qu’un certain nombre d’entre eux feront la maîtrise et le doctorat, sans jamais maîtriser leur langue.Le 8 mai dernier, on apprenait dans le Journal de Montréal qu’en 2022, moins de la moitié des élèves en cinquième secondaire, au Québec, auraient réussi à obtenir la note de passage en orthographe lors de l’examen du ministère de français.
Rappelons que ce seuil catastrophique s’accompagne déjà d’une correction de plus en plus permissive au fil des décennies, et qu’on peut facilement deviner que si les critères d’examen en vigueur il y a vingt ou trente ans avaient été appliqué aujourd’hui, ils en auraient fait échouer beaucoup plus.
Gardons également en mémoire que beaucoup de ces jeunes élèves continueront au cégep, puis à l’université, et qu’un certain nombre d’entre eux feront la maîtrise et le doctorat, sans jamais maîtriser leur langue.
Laxisme
En tant qu’auxiliaire d’enseignement à l’UQÀM en science politique, je constate avec effarement la quantité d’erreurs graves que font un bon nombre d’étudiants, pour ne pas dire une grande majorité. Puisque l’université est aujourd’hui une entreprise qui vise d’abord à recruter le plus grand nombre d’étudiants, en concurrence avec les autres « start-up universities », il est impossible de faire échouer un étudiant même s’il fait trois à cinq fautes par phrase.
On parle ici d’erreurs qui ne devraient plus être commises depuis au moins le premier ou le deuxième secondaire, parfois même depuis le primaire. Les homophones a/à, ou/où, ces/ses, l’orthographe (« opignon » pour opinion...), la syntaxe et la conjugaison (« ils dises que »), les registres (dire seulement « Thomas » pour parler de Saint Thomas d’Aquin) sont loin d’être maîtrisés.
Conséquences de la pandémie?
Dans le dossier du Journal, la présidente de l’Association des professeurs de français (AQPF), Katya Pelletier, affirme que la pandémie expliquerait un « manque à gagner » à l’origine du taux d’échec faramineux. Certes, les chiffres sont têtus et démontrent bien que les mesures comme le couvre-feu et l’enseignement en ligne ont eu de graves effets.
Mais expliquent-elles vraiment ce qui se passe? La pandémie aurait justement pu être vue comme une occasion de lire davantage aux temps où les sorties étaient proscrites. Les moines et les sœurs recluses ne se confinent-ils pas justement pour mieux étudier? Au premier confinement, des publicités gouvernementales encourageaient les jeunes à « jouer aux jeux vidéo » pour passer le temps, comme si un « vrai jeune » devait nécessairement être un non-lecteur.
Il faut dire que le livre a rarement eu bonne cote dans l’histoire. Tantôt vu comme l’objet prisé d’une élite, symbole de vantardise ou de snobisme, tantôt comme une source d’ennui alors que
la fête et les plaisirs nous attendent, l’existence du livre n’est jamais allée de soi. Cela est d’autant plus vrai pour une petite nation comme le Québec qui revient de très loin, alors que nous sommes tous porteurs d’une histoire d’indigence culturelle, dans laquelle beaucoup de nos ancêtres ne savaient ni lire ni écrire.
À bien des égards, le lecteur et l’intellectuel sont encore aujourd’hui vus comme « le snob qui sort du séminaire » qui épate la galerie en récitant son latin. Pourtant, il n’y a aucun autre moyen réel d’améliorer son français que par la lecture. Les tableaux interactifs et les tablettes n’y changeront rien. Notre société doit réapprendre le goût de l’effort, de la concentration, du silence. Ce n’est certainement pas les fausses excuses et le nivellement par le bas qui nous dirigeront en ce sens.

Photo Chantal Poirier
Philippe Lorange, Étudiant à la maîtrise en sociologie et auxiliaire d’enseignement à l’UQÀM