J'ai bien aimé le texte de Mario Dunont du 12 mai dernier « Trop de libérations syndicales ». Il y a vraiment du ménage à faire afin de changer la mentalité des syndicats. Je n'ai rien contre eux, ayant présidé moi-même une association syndicale pendant dix ans. Par contre, je condamne leur attitude de braquage face à toute nouvelle idée; c'est la tyrannie du statu quo et le refus de changement.
Quand j'ai voulu congédier un employé très problématique, j'ai dû monter un dossier pendant deux ans et, à la fin, l'employé a reçu deux jours de suspension sans aucun autre avertissement. À la suite de cette décision, j'ai fermé le poste. À cause de sa séniorité, il est allé bousculer un employé plus jeune dans un autre secteur. J'entends encore l'appel du directeur me traitant de tous les noms de lui « avoir passé » cet employé désagréable que tout le monde connaissait.
Le syndicat défend d'abord ses membres, ce dont je suis d'accord, mais a-t-il le monopole de la sagesse, de la crédibilité et de la défense de l'indéfendable?
Quelques exemples
Il a fallu deux peintres pendant quatre jours pour rafraîchir un mur au Centre de recherche où je travaillais. Chaque jour, ceux-ci devaient d'abord se rendre au « Local de la pointeuse », puis marcher 15 minutes pour revenir au Centre de recherche. Le temps de s'installer et, déjà, c'était la pause-café : 30 minutes de marche aller-retour pour se rendre à la pointeuse, 30 minutes de pause-café. Retour au Centre de recherche, quelques coups de pinceaux et arrivait le dîner : une heure. Même scénario l'après-midi avec, en plus, le nettoyage de l'équipement avant de partir.
Tout ceci est de l’improductivité et de l’abus du système.
Que dire de Gérard, cet infirmier dynamique, exceptionnel. Dans ses loisirs, il élève des canards sur sa ferme. Quelque temps après l'aménagement d'un étang sur le site de l'hôpital, Gérard y dépose trois canards afin d'égayer la vie des patients. Or, puisque Gérard n'a pas demandé la permission, une enquête fut instituée pour trouver l'auteur du crime. Gérard a failli perdre son emploi parce que cela ne faisait pas partie de sa tâche.
Gérard a été bafoué par un système qui tue toute initiative.
Autres aberrations
Pourquoi faut-il un protocole d'entente de retour au travail une fois que les parties se sont entendues? Pourquoi faut-il s'entendre pour décider du moment du retour au travail? Pourquoi pas le lendemain? L'ensemble de la population a-t-il déjà eu des détails sur les clauses normatives, comme un allongement des vacances, une diminution des heures de travail, un meilleur fonds de pension, etc? Tout cela représente des coûts très importants dont on n’entend jamais parler.
Enfin, pourquoi une promotion doit-elle être basée sur l'ancienneté plutôt que sur la compétence? Lors de ma visite à l'hôpital de Plattsburgh, j'ai rencontré l'infirmière assistante-chef en oncologie, une jeune Québécoise de Trois-Rivières. Comment se retrouvait-elle là et comment avait-elle obtenu ce poste? Elle m'a confié qu'elle avait travaillé de nuit dans trois hôpitaux au Québec et qu'elle n'avait jamais pu obtenir un poste de jour parce qu'elle n'avait pas assez d'ancienneté. À Plattburgh, même s'il y a un syndicat, c'est d'abord et avant tout la compétence qui entre en jeu quand un poste s'ouvre. Elle m'a donné l'exemple de sa nomination, se retrouvant en haut de la liste avec une infirmière possédant plus d'ancienneté. Les dossiers ont été scrutés et on avait trouvé dans le dossier de l'autre candidate une plainte pour grossièreté envers un patient. Elle a perdu le poste.
Quand commencerons-nous à favoriser les gens compétents et humains?
Besoin de changement
Comme le démontre Mario Dumont, les syndicats permettent à des groupes d'intérêts de se donner des salaires et des conditions de travail confortables au détriment des contribuables. Il est donc grand temps de changer notre système de relations de travail pour nous engager dans un partenariat entre employeurs et syndicats, afin de négocier des contrats sociaux qui améliorent les relations de travail et la productivité. Patrons et employés doivent s'efforcer ensemble d'assainir le climat de travail, d'augmenter la motivation des travailleurs et d'améliorer la compétence de toutes les ressources humaines au lieu de se regarder comme chien et chat.
La reconnaissance des compétences devrait être le premier critère de l'avancement d'un employé. La formation professionnelle continue devrait être valorisée au plus point afin de permettre aux travailleurs de s'adapter le plus rapidement possible aux changements. Ils doivent devenir plus conscients des changements de société, mettre un frein au protectionnisme et s'ouvrir aux idées novatrices.

Photo fournie par Yves Lamontagne.
Yves Lamontagne, md, Ex-président du Collège des médecins du Québec