Martin Lévesque a poursuivi le récit de sa carrière militaire vendredi, histoire parsemée d’atrocités et d’images d’horreur à la suite desquelles l’homme accusé du meurtre de sa voisine aura toujours fait passer le bien-être de «ses hommes» avant ses propres émotions.
Peut-on sortir indemne de déploiements à l’étranger comme ceux qu’a vécus Martin Lévesque?

Photo fournie par le tribunal
Le quotidien décrit par l’homme vendredi semblait à mille lieues de celui des 14 jurés chargés de trancher s’il est criminellement responsable du meurtre de sa voisine Patricia Sirois en septembre 2021, quatre ans après sa sortie des Forces armées canadiennes.

Photo courtoisie
Lorsque questionné par son avocat, Lévesque répondait encore avec conviction, mais parvenait difficilement à montrer des émotions, même quand on le sentait bouleversé.
Ses hommes avant ses émotions
Souvent, quand Me Pierre Gagnon lui demandait comment il se sentait après avoir vu des enfants se faire abattre ou quand il a vu un de ses hommes périr sous ses yeux, l’ex-militaire projetait ses réponses vers ceux qu’il appelle encore «ses hommes».
On comprend que ce sont toujours eux qui ont primé sur les émotions que pouvait ressentir Lévesque.

Photo fournie par le tribunal
«Je feel pas, c’est sûr, mais il faut que je me montre plus fort devant mes hommes parce que ce n’est pas fini, il faut que ça continue», dira-t-il après avoir abordé le décès d’un frère d’armes, littéralement coupé en deux par une explosion.
Quand il apprend d’un supérieur qu’il ne pourra assister à la cérémonie de la rampe pour le rapatriement des corps de Christian Bobbitt et Matthieu Allard, deux compagnons morts en service de qui il était très proche, Lévesque ramène encore le tout à ses hommes.

Photo fournie par le tribunal
«J’ai trouvé ça très dur d’annoncer ça à mes hommes, surtout qu’on repart en mission le lendemain», explique l’ex-militaire, ajoutant simplement que c’était «très difficile» quand son avocat insiste pour savoir comment lui se sentait.
Refus de revenir
Même quand c’est lui qui a été blessé par une violente explosion, Lévesque aura mis les intérêts de ses hommes avant les siens, a-t-il expliqué.
«Je suis plein d’éclats d’obus. [...] J’en ai dans le visage. J’avais une veste antifragmentation avec des manches et une chance, ça a probablement empêché que je perde un bras. [...] Avec les fragments qui brûlent, je suis tout noir, mais je me tourne vite de bord et je vérifie si mes hommes sont corrects», a raconté l’ancien militaire.
Lévesque a été opéré sur la base et l’armée lui a alors offert le choix de revenir à la maison pour retrouver sa femme et ses enfants.
Il a refusé.
«Je pense à mes hommes qui sont là. [...] Je me suis dit que j’allais rester jusqu’à ce que je reparte avec mes gars», a-t-il raconté.
Et la place de sa femme et de ses enfants dans cette réflexion? a insisté son avocat.
«C’est dur à dire. C’est comme un sentiment d’abandon envers ces gars-là si je m’en allais. C’était mes hommes, c’est ma famille au fond.»
Récit détaillé
On comprend de plus en plus que les épisodes traumatiques auront été nombreux dans le parcours militaire de Martin Lévesque.
Après une journée complète de témoignage, l’accusé n’a pas encore fait le tour de sa carrière, qui a duré une vingtaine d’années. Chaque fois que son avocat lui demande s’il y a eu d’autres événements marquants, Lévesque a la même réponse.

Pierre-Paul Biron, Journal de Québec
«Il y en a tellement, je ne sais plus par quel continuer.»
Et l’accusé tient à les raconter en détail. Si Me Gagnon ou le juge François Huot le questionne en faisant un saut dans le temps trop important, Martin Lévesque les ramène prestement à l’ordre, poursuivant méthodiquement le récit des horreurs de la guerre.
Suite la semaine prochaine
Son témoignage se poursuivra mardi prochain et sera suivi du contre-interrogatoire de la Couronne.
Rappelons que l’homme de 50 ans est accusé du meurtre au second degré d’une de ses voisines, Patricia Sirois.

Photo fournie par le tribunal
La femme a été abattue alors qu’elle était au volant de sa voiture et que ses deux enfants se trouvaient à l’arrière. Lévesque admet avoir tiré les six balles, mais plaide ne se souvenir de rien, arguant que l’impact de son trouble de stress post-traumatique le rend non criminellement responsable.