Inquiet après des tentatives d’introduction par effraction et un incendie inexpliqué sur son terrain, Martin Lévesque s’est plongé dans une spirale d’hypervigilance dans l’année qui a mené au meurtre de Patricia Sirois, allant jusqu’à se monter une barricade armée dans sa chambre à coucher.
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«Ce n’est pas logique ce que je faisais», a reconnu avec le recul mardi l’ancien militaire qui est accusé du meurtre de sa voisine.
L’homme a reconnu avoir tiré sur Patricia Sirois, mais plaide la non-responsabilité criminelle en raison des impacts sur son état mental de son trouble de stress post-traumatique.

Capture d'écran fournie par le tribunal
Dans les 12 mois précédant la mort de la femme en septembre 2021, Martin Lévesque a expliqué avoir senti la peur monter en lui après trois tentatives d’introduction par effraction et un feu «qui n’est pas arrivé par hasard» sur son terrain.
«J’avais peur. Très peur même», a confié lors de la suite de son témoignage l’ex-militaire de 50 ans, précisant avoir sombré dans l’hypervigilance.
«Je pense que j’étais trop malade pour m’en rendre compte. Je ne me rends pas compte que ça ne va pas», a-t-il admis mardi.
«Position défensive» dans sa chambre
Lévesque a été jusqu’à se confectionner une «position défensive» dans sa propre maison. Habitué à se couvrir des tirs ennemis en Afghanistan, le voilà qui était prêt à se barricader derrière des sacs de sable et de litière dans sa chambre à coucher.

Fournie par le tribunal
«Avec du recul, il n’y a rien qui marche. Ce n’est pas logique pantoute», a reconnu l’accusé, disant ne pas comprendre pourquoi il a aussi disséminé son arsenal d’armes à feu chargées à la grandeur de la maison, notamment deux fusils d’assaut et deux armes de poing dans sa chambre.
Pourquoi autant d’armes, lui a demandé son avocat Me Pierre Gagnon
«Au cas où la menace serait plus grande que je le pensais, mais c’est complètement illogique. Il n’y a rien qui marche.»

Photo fournie par le tribunal
Cette peur était telle selon Martin Lévesque qu’il commence même à essayer de dormir le jour pour faire des patrouilles de sécurité la nuit, en plus d’installer «4 ou 5 spots de 300 watts» pour éclairer son terrain et de grillager les fenêtres.
«Je ne comprends pas. J’avais peur de ce qu’était la prochaine étape [après le feu].»

Fournie par le tribunal
Tassé par l’armée
Avant d’en arriver là, Martin Lévesque a témoigné de sa dernière mission après le tremblement de terre en Haïti en 2010 et de sa sortie amère des Forces armées canadiennes en 2017. Ingénieur de combat déployé en théâtre d’opérations à plusieurs reprises dans sa carrière, le militaire s’est fait «caser» dans un poste de surveillance d’entrepôt en fin de carrière en raison de ses suivis thérapeutiques en santé mentale a-t-il expliqué.
«L’explication, c’est que je n’étais pas ‘’fit’’, je ne répondais plus aux normes physiques et mentales de l’armée», a indiqué l’accusé.

Photo fournie par le tribunal
Après sa libération, il s’adonne à l’apiculture, rencontre d’autres vétérans dans des ateliers de confection de mouches pour la pêche au saumon et continue ses suivis psychologiques. Des activités de bénévolat lui permettent aussi de rencontrer des gens, ce qui lui fait du bien dira-t-il.
Or, quand la pandémie frappe à l’hiver 2020, tout s’arrête, à l’exception de ses suivis avec son psychiatre et sa psychologue qui se poursuivent, mais de façon plus espacée.
«Je trouvais ça difficile d’arrêter, de trouver autre chose à faire. J’étais souvent à la maison, je ne sortais pas beaucoup. [...] Je commençais à aller mieux, je rencontrais des gens et là, je m’isolais», a expliqué Martin Lévesque, qui s’est retrouvé la plupart du temps enfermé à la maison avec sa conjointe, Guylaine Laflamme.
Cette dernière avait d’ailleurs un problème d’alcool a reconnu Martin Lévesque.
«Sur le coup je ne le voyais pas, mais je constate que oui, elle aurait eu besoin d’aide à ce moment-là.»
Les circonstances de la mort de Patricia Sirois à venir
Le témoignage de Martin Lévesque se poursuivra en après-midi mardi. Il devrait notamment arriver au moment où en septembre 2021, il en est venu à abattre à bout portant sa voisine, Patricia Sirois.

Photo courtoisie
Lors de son interrogatoire, l’accusé avait affirmé ne se souvenir de rien entourant le meurtre de la mère de famille.
Suivra le contre-interrogatoire de la couronne, puis les témoignages des psychiatres experts mandatés par les deux parties, soit Dr Gilles Chamberland en défense et Dr Sylvain Faucher en poursuite.