Michael Sabia, l’homme qui devait relancer la croissance canadienne et imposer la rigueur budgétaire au gouvernement Trudeau, quitte son poste de sous-ministre des Finances pour celui de PDG d’Hydro-Québec en laissant les comptes publics fédéraux en situation difficile.
«Il n’a pas réussi à imposer la discipline budgétaire au gouvernement. Ultimement, c’est le bureau du premier ministre et son ADN dépensier qui l’ont emporté», déplore Robert Asselin vice-président du Conseil canadien des affaires et ex-conseiller auprès des premiers ministres Paul Martin et Justin Trudeau.
Loin de freiner les dépenses dans les trois budgets qu’il a élaborés avec la ministre des Finances Chrystia Freeland, M.Sabia en a plutôt engagé une panoplie de nouvelles. Et ce, sans parvenir à relancer suffisamment la croissance pour donner à l’État les moyens de financer ses nouveaux programmes.
Dans son dernier budget seulement, en mars, Finances Canada a annoncé 43 G$ de nouvelles initiatives au cours des six prochaines années.
Résultat, les frais de la dette publique sont passés de 24,5 G$ en 2021-2022 à 34,5 G$ en 2022-23. Ils atteindront presque 44 G$ en 2023-24. C’est un bond vertigineux de 79 % en deux ans seulement.
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Croissance anémique
«Il y a eu une certaine complaisance au gouvernement. On pensait que les dépenses publiques pandémiques nous feraient rebondir, mais ça n’a été que de très courte durée et ça a contribué à l’inflation», indique M.Asselin.
En 2022, la croissance économique canadienne a en effet connu un fort rebond à 3,4%, soit la deuxième plus forte des pays du G7. Toutefois, elle a fortement ralenti dès la fin de l’année, avec une croissance nulle au quatrième trimestre 2022.

Pourtant, en plus de mettre les dépenses publiques sous contrôle, M.Sabia devait également doper la reprise post-pandémique pour relancer durablement la croissance. Mais là aussi «il n’a pas été à la hauteur des attentes», tranche M.Asselin qui souligne la déception du milieu des affaires à son égard.
Milieu des affaires déçu
Après trois ans sous la gouverne du duo Sabia-Freeland, l’humeur est morose dans le milieu des affaires. La confiance des entreprises stagne et les intentions d’investissement sont en berne, d’après l’enquête sur les perspectives des entreprises du premier trimestre 2023 de la Banque du Canada.
«Le climat pour investir au Canada est pire que lorsque M.Sabia est arrivé», estime M.Asselin. Il déplore notamment que le temps nécessaire pour obtenir des permis n’ait fait que s’allonger depuis son arrivée, notamment dans le secteur des minéraux stratégiques pourtant jugé clef pour l’avenir du pays.
Même les 15 G$ qu’avait annoncés M.Sabia dans le budget fédéral 2022 pour la création du Fonds de croissance du Canada n’ont encore rien donné. Un an et demi après sa création, le Fonds n’a toujours pas de dirigeant et n’a annoncé aucun investissement. Pourtant, sa mission est au cœur de la rhétorique du gouvernement libéral: décarboner l’économie et stimuler la transition verte.