Une sommelière connue pour ses fausses dégustations de vin un peu partout au Québec multiplierait maintenant les excuses pour éviter de payer plus d'une vingtaine d'employés, fournisseurs et clients, qui lui réclament des milliers de dollars.
Catherine Levasseur a ouvert et fermé au moins trois restaurants au cours des trois dernières années à Brossard et dans le Vieux-Longueuil, laissant chaque fois derrière elle des salaires et des factures impayés.
Les lendemains de veille ont été difficiles pour la restauratrice, qui est aujourd’hui visée par une dizaine de poursuites civiles de la part de fournisseurs, d’employés et d’avocats qui lui réclament des milliers de dollars.
Notre Bureau d’enquête s’est aussi entretenu avec des travailleurs qui ont tenté, en vain, d’obtenir leur paie, ainsi qu'avec des clients qui ont déboursé pour des services qui n’auraient jamais été rendus [voir textes plus bas]
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Multiples excuses
«Elle m’a dit qu’elle était rentrée à l’hôpital, c’est pour ça qu’elle ne pouvait pas payer. Puis sa mère est décédée et elle s’est fait laisser par son chum», illustre Caroline Mordan Gagnon, qui a créé ce printemps un site web pour la sommelière, qui lui devrait plus de 4200$.

Capture d'écran fournie par Caroline Mordan Gagnon

Capture d'écran fournie par Jean-François Bergevin.
Si les créanciers se sont montrés d’abord compréhensifs, la donne aurait changé lorsque la sommelière a cessé de leur répondre. Catherine Levasseur – qui utilise aussi les noms Gagné, Levasseur Gagné ou L. Gagné – aurait ignoré leurs appels, leurs courriels et leurs messages textes, ou elle les aurait bloqués sur les réseaux sociaux. Elle a aussi fermé ses pages Facebook et ses sites internet.
«Quand on l’appelait, elle ne répondait pas», explique Sylvie Desmarais, qui avait acheté pour 600$ de billets pour une dégustation de vins à la Buvette bar à vin futé, dans le Vieux-Longueuil. Prévu en janvier 2022, l'atelier a été reporté à plusieurs reprises à cause de la pandémie. L’événement ne s’est jamais tenu et le restaurant a fini par fermer, sans que Mme Desmarais soit remboursée.

Photo fournie par Sylvie Desmarais
Sylvie Desmarais
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Catherine Levasseur omet d’honorer des dégustations de vin. En 2013, Le Journal révélait que la sommelière avait vendu des coupons-rabais Tuango pour des ateliers qu'elle n'a jamais tenus. Elle réservait des salles dans des hôtels, notamment à Québec, et ne se rendait pas sur les lieux.
À l’époque, ni les clients s’estimant floués, ni Le Journal n’avait été en mesure de joindre Catherine Levasseur, qui demeurait introuvable.
«Amoncellement de malchance»
Notre Bureau d’enquête a toutefois pu s'entretenir avec la sommelière qui, dans une longue entrevue téléphonique, assure n’avoir rien à se reprocher.
«On a eu un amoncellement de malchance, qui fait que ça ne marchait pas», déplore-t-elle, ajoutant qu’elle pouvait toutefois «comprendre que les gens soient très en colère».
Catherine Levasseur nie avoir ouvert et fermé des restaurants «sans payer les gens», bien que la situation actuelle puisse «donner [cette] impression», dit-elle.
«Il n’y a pas de stratagème de fraude. Je ne vois pas comment on peut essayer de frauder, en travaillant aussi fort que moi», a-t-elle plaidé, ajoutant qu’elle travaillait «80 h par semaine» et qu’elle ne se «prend pas de salaire depuis cinq ans».
Assurant avoir agi de «bonne foi» et avoir payé les employés du «mieux [qu’elle] peut», la sommelière se dit à la recherche d'une solution pour tenter de «régler» ses dettes du passé.
Elle se fait expulser de son restaurant pour loyer impayé
La sommelière Catherine Levasseur a dû fermer en catastrophe son plus récent restaurant en avril dernier, à la suite d’une menace d’expulsion de son propriétaire qui lui réclamait près de 30 000 $.
La femme de 50 ans a ouvert en mars le Médor et Merlot, qui offrait des repas cuisinés sur place, en plus de services de gardiennage et de dressage pour chiens. L’établissement de Brossard reprenait les locaux et les équipements d’un commerce précédent, qui offrait le même concept.
À la fin du mois d’avril, Catherine Levasseur contactait ses employés pour les aviser qu’elle était hospitalisée et que le restaurant serait temporairement fermé.
Aucun d’entre eux ne savait alors que la sommelière avait reçu dans les jours précédant un avis de résiliation de bail de la part du propriétaire des lieux, qui réclamait près de 30 000 $ en loyers, frais d’opération et frais de location d’équipement. Catherine Levasseur avait une semaine pour régulariser sa situation, sans quoi elle serait expulsée.
La restauratrice a mis la clé dans la porte le 26 avril. Des employés ont appris sur les réseaux sociaux que le Médor et Merlot n'était plus en activité.
«Elle ne répond plus à mes [messages] textes. Elle a disparu et je n’ai jamais reçu le reste de mon argent», se désole Amy, qui y travaillait comme serveuse.
« J’ai jamais eu mes pourboires, je n’ai jamais eu ma paye, absolument rien », peste sa collègue Christine.

Photo fournie par Amy Ly-Bik
Des fournisseurs impayés
La photographe Sophie Lemay, qui avait été engagée par la sommelière pour prendre des photos des clients avec leurs chiens lors de l’ouverture du restaurant, attend toujours ses 1300$. Catherine Levasseur l’a depuis bloquée sur Facebook.

Photo fournie par Sol Photographe
Sophie Lemay
Des clientes qui avaient acheté à l’avance des services de gardiennage ou de dressage n’ont pas pu honorer leurs achats.
En entrevue avec notre Bureau d’enquête, Catherine Levasseur assure avoir été hospitalisée dans les jours précédant la fermeture du restaurant. Elle reconnaît toutefois avoir caché à ses employés et fournisseurs le fait qu’elle n’avait pas payé le loyer.
«Non, je n’ai pas expliqué ça. J’ai pris du temps pour réfléchir à comment j’allais réorienter ça. Pour eux et pour moi», a-t-elle signifié.
Son chat mort, elle ne peut pas payer
Catherine Levasseur aurait insisté sur la peine causée par la mort de son chat pour éviter de payer une agence de relations de presse de Montréal, qui la poursuit aujourd’hui aux petites créances.
«Avec elle, ça a toujours été lourd, pas facile. Il y avait tout le temps quelque chose: mon chat est décédé, ma mère est malade, je suis malade, mon conjoint vient de rentrer à l’hôpital... Après ça, elle s’est séparée puis elle a fait une dépression», se souvient Eric Santerre, à la tête de Tök Communication.

Photo Laëtitia Clouzot
Eric Santerre
La sommelière avait retenu en août 2020 les services de cette agence pour mousser ses vins en fût et pour l’ouverture de sa buvette du Vieux-Longueuil. Catherine Levasseur, qui avait signé un contrat de près de 5000$, devait recevoir des factures par intervalle. Mais la femme de 50 ans n’aurait pas daigné acquitter la première facture, qui s’élevait à moins de 1000$, et ce, malgré les relances.
«Un moment donné, on a juste arrêté», poursuit M. Santerre, à qui cette aventure a laissé un goût amer.
Questionnée sur les nombreuses excuses fournies à ses employés et fournisseurs lorsque venait le temps de payer, Catherine Levasseur ne bronche pas.
«Je n’ai pas eu des dernières années très heureuses sur le plan personnel. Quand je partage quelque chose avec des gens, ce n’est pas pour me défiler», a-t-elle soutenu.
De fausses dégustations de vin
Catherine Levasseur affirme ne pas avoir fait un seul sou en 2013 lorsqu’elle a vendu des coupons-rabais Tuango pour des dégustations de vin qu'elle n’a jamais tenues.
«J’ai empoché 0$», a-t-elle assuré.
La sommelière explique que Tuango, «pour se protéger», avait remboursé tous les clients qui avaient acheté ses ateliers de vin via sa plateforme. Elle n'aurait ainsi perçu aucune somme, même pour les événements qu’elle aurait honorés.
Tuango tient toutefois un discours différent. S’il est vrai que les clients ont été remboursés après s’être plaints de «services non rendus», Catherine Levasseur a toutefois touché 5500$, rapporte le président Jérôme Guidollet.
«[Catherine Levasseur] avait marqué la plupart des bons comme “utilisés”, alors que ce n'était pas vrai. Ce qui a compliqué les choses pour nous, car nous ne pouvions pas savoir si les acheteurs avaient eu le service ou non. De plus, elle n’arrêtait pas de repousser les rendez-vous des gens», explique M. Guidollet.
- Avec Marie-Christine Trottier et Ian Gemme
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