« J'ai peut-être commis quelques négligences »: l'ex-dentiste marseillais Lionel Guedj, jugé en appel avec son père pour avoir mutilé des centaines de patients, a seulement reconnu un « engrenage », une « erreur de jeunesse », devant des victimes outrées.
• À lire aussi: France : deux ex-dentistes condamnés pour mutilations à vaste échelle
• À lire aussi: 10 ans requis contre des dentistes accusés d'avoir «mutilé» leurs patients
Barbe noire, tee-shirt noir, l'air hagard, Lionel Guedj, 43 ans, a pris place dans le box de prévenus, sans lâcher son petit carnet noirci de notes.
« Je conteste les faits, je n'ai jamais commis de fautes volontaires » entraînant des mutilations, même si « j'ai peut-être commis quelques négligences », a-t-il commencé, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence délocalisée à Marseille, dans la salle des procès hors norme du tribunal judiciaire de la cité phocéenne.
Dans cette même enceinte, en septembre, le tribunal correctionnel de Marseille n'avait pas eu la même lecture de ce dossier retentissant, où quelque 320 personnes se sont constituées parties civiles. Lionel Guedj avait été lourdement condamné à huit ans de prison avec placement en détention provisoire, une peine assortie d'une interdiction définitive d'exercer la profession de dentiste. Il avait fait appel, tout comme son père, Carnot, 71 ans, condamné lui à cinq ans de prison.
Promettant un « sourire de star » à ses patients, le cabinet Guedj s'était implanté en 2005 dans les quartiers déshérités du nord de Marseille, au coeur d'une population dispensée d'avancer la part des soins remboursée par l'assurance maladie.
« Il y a eu un emballement sur le cabinet qui a pris une ampleur considérable sur très peu de temps. Je n'ai jamais refusé de patients », a poursuivi Lionel Guedj, admettant une « erreur de jeunesse ». « J'ai jamais dit que j'étais le meilleur dentiste du monde » mais « je conteste formellement » avoir dévitalisé des dents saines.
Le jeune dentiste avenant est pourtant accusé d'avoir dévitalisé quelque 4 000 dents saines entre 2006 et 2012, sans aucune justification thérapeutique, dans le seul but de poser à la chaîne des bridges très rémunérateurs.
« Nous, on a souffert 10 ans »
Se qualifiant de « bosseur », « proche de ses patients », Lionel Guedj raconte un rythme frénétique avec un cabinet ouvert dès 06h00 du matin et jusqu'à 100 patients traités par jour. Mais, quelques mois après son ouverture, il tombe gravement malade - un cancer - et appelle son père à la rescousse.
« Mon rôle essentiel était de le dépanner », décrit Carnot Guedj, dit aussi « Jean-Claude », qui comparaît libre depuis sa libération en mars, reconnaissant que Lionel « a peut-être travaillé un peu trop vite ». « Tout le monde voulait être soigné par Lionel », qu'il décrit comme « chaleureux », jamais avare d'une tape sur l'épaule.
Dans la salle, des dizaines d'anciens patients suivent avec attention les débats, réagissant parfois bruyamment devant un président qui a parfois du mal à imposer le calme. La stratégie de la défense, qui avait commencé par demander une expertise médicale de Lionel Guedj jeudi, avant de plaider mardi la nullité de la procédure pour délais déraisonnables, a visiblement agacé.
« Nous, on a souffert 10 ans », a crié une victime, quittant en trombe la salle d'audience alors que l'avocat de Lionel Guedj, Me Julien Pinelli, expliquait qu'« être jugé plus de 10 ans après sa mise en examen n'était pas un délai acceptable ».
S'agissant de son état, l'expert médical avait lui conclu mardi matin que Lionel Guedj était en état de comparaître, malgré sa pathologie cardiaque. Et le président a donc exigé que celui-ci soit extrait de sa cellule des Baumettes.
« J'ai fait des malaises à répétition » et « j'ai un début d'insuffisance cardiaque », a expliqué le prévenu, prévenant qu'il serait sans doute « ralenti » pendant son procès qui se tient jusqu'au 30 juin.
Devenu en 2010 le dentiste le mieux rémunéré de France, il roulait en Ferrari, s'octroyait entre 65 000 et 80 000 euros de revenus mensuels et avait accumulé un patrimoine de 13 millions d'euros. Mais « avec des crédits immobiliers » a-t-il pris soin de préciser mardi.