Alexandre Trudeau, le frère du premier ministre Justin Trudeau, avait des réserves sur la possibilité qu’une statue de son père Pierre Elliot Trudeau prévue dans le cadre d’un controversé don chinois soit réalisée avec de l’art inuit.
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«J’éprouve une certaine réticence par rapport à la statue. Franchement c’est une hésitation que j’ai depuis que nous avions contemplé nous tourner vers l’art inuit», a-t-il écrit en 2018 à Jean-François Gaudreault-Desbiens, alors doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
«Je suis peut‐être un peu conservateur en matière de statues commémoratives. J’ai une préférence marquée pour les bronzes sérieuses [sic] et dignes», a-t-il écrit dans un autre courriel.

Courriel fourni par l'Université de Montréal
Le jeune frère de Justin Trudeau faisait alors référence à la statue qui devait être construite dans le cadre d’un don d’un million $ des hommes d’affaires Zhang Bin et Niu Gensheng annoncé en 2016 à l’Université de Montréal et à la Fondation Trudeau.
Des documents obtenus par notre Bureau d’enquête à la suite d’une demande d’accès à l’information montrent qu’Alexandre Trudeau était bien plus impliqué dans cette affaire que ce qu’il a laissé jusqu’ici entendre. Dans son témoignage en comité parlementaire à Ottawa début mai, il avait tenu à minimiser son rôle, disant qu’il n’était qu’un «bénévole parmi tant d’autres» à la Fondation.
Trudeau « satisfait de l’entente»
Dès septembre 2015, Guy Lefebvre, alors vice-recteur aux affaires internationales de l’Université, a insisté sur l’importance de la présence d’Alexandre Trudeau aux yeux des donateurs chinois.
«Ce sera finalisé lundi [...] Alexandre Trudeau sera présent au début pour bien montrer que toutes les parties sont heureuses. Très important pour les chinois[sic]...», a-t-il écrit à un collègue.
Dans un autre courriel en février 2016, M. Lefebvre souligne l’importance d’avoir l’approbation d’Alexandre Trudeau.

Courriel fourni par l'Université de Montréal
«Nous avons eu une réunion avec Alexandre Trudeau. Tout comme Bin Zhang, il est maintenant satisfait de l’entente. Il nous proposera des dates de disponibilité pour la signature officielle», a-t-il écrit.
«Un comité sera mis sur pied pour la question de la réalisation de la statue. Alexandre Trudeau est satisfait de l’endroit envisagé», a poursuivi le vice-recteur.
Taille considérable
Malgré la production d’une maquette par l’artiste inuit Peter Boy Ittukallak, le projet de statue de Pierre Elliot Trudeau n’a finalement jamais vu le jour, puisque le budget alloué de 50 000$ était insuffisant pour réaliser l’œuvre selon l’université.

Photo fournie par l'Université de Montréal
Maquette de la statue de Pierre Eliott Trudeau réalisée par l’artiste inuit Peter Boy Ittukallak. La statue n'a finalement jamais vu le jour.
Au départ, l’idée de recourir à l’art inuit pour honorer la mémoire de Trudeau père plaisait à l’ensemble du comité mis sur pied pour développer le projet, sur lequel siégeait notamment Nathalie Bondil, alors à la tête du Musée des beaux-arts de Montréal.
Les deux hommes d’affaires chinois étaient également d’accord. «Les donateurs ont réitéré l’importance que le socle soit d’une taille considérable, histoire de bien rendre hommage à M. Trudeau», peut-on lire dans un courriel de février 2017 de Jean-François Gaudreault-Desbiens, alors doyen à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et membre du comité de la statue.
Parmi les observations transmises au doyen par Alexandre Trudeau: «Je trouve l’idée d’un sculpteur inuit très intéressante. (Je l’avais proposée à l’origine.) Mais j’ai encore des doutes quant à leurs capacités figuratives».
La Fondation a remboursé
En février dernier, le quotidien The Globe and Mail rapportait que les autorités chinoises seraient derrière le don de 1 M$, selon une conversation interceptée par le Service canadien du renseignement de sécurité.
Depuis, plusieurs administrateurs de la Fondation Trudeau ont démissionné et l’organisme a remboursé les 140 000$ reçus des deux hommes chinois.
De son côté, l’Université de Montréal a décidé de conserver les 550 000$ qu’elle a finalement reçus et de les réaffecter dans d’autres projets.
Avec la collaboration de Yves Levesque