Il aurait été intéressant que les parlementaires assignent à comparaître Airbnb devant la commission parlementaire qui étudie un projet de loi pour resserrer les règles de l'hébergement touristique en ligne.
Etienne Grandmont, de QS, a évoqué une possibilité semblable hier, mais la ministre Caroline Proulx n'était pas chaude à l'idée.
Cette dernière est pressée d'adopter sa loi avant que ne débute la «nouvelle saison touristique». On comprend que traîner la multinationale devant les parlementaires aurait rallongé le processus.
Mme Proulx souligne en plus qu'on sait maintenant ce qu'Airbnb pense du projet de loi, puisqu'elle a finalement daigné déposer, le 23 mai, un petit mémoire à l'Assemblée nationale. Son opposition et ses réticences y sont explicitées en sept petites pages.
Rare
Bien que très rarement utilisée, l'obligation signifiée à un témoin à parader devant les parlementaires est possible, selon le règlement. Et cet ordre est aussi fort que celui d'un tribunal. En 2011, le libéral Pierre Paradis, président d'une commission sur l'agriculture, avait osé forcer les représentants de la financière agricole à venir s'expliquer devant les élus.
Devant l'arrogance de certains, les députés ne devraient pas hésiter à prendre ce grand moyen.
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Et dans le cas de Airbnb, on peut clairement parler d'arrogance. Lors de leur rencontre avec la ministre Proulx, le 23 mars, deux représentants, Nathan Rotman et Camille Boulais-Pretty, ont carrément refusé de répondre aux questions des journalistes. Invité à participer à la Commission, Airbnb a refusé.
De l'attitude de la multinationale se dégage toute l'arrogance des géants de ce qu'on appelait jadis avec fascination la «nouvelle économie».
Face à un représentant d'Uber, le ministre libéral (feu) Jacques Daoust, en 2016, avait eu cette réplique cinglante: «Vous êtes dans la maison [...] où on fait les lois et ce que vous venez nous dire, c’est "tant et aussi longtemps que la loi ne fera pas mon affaire, je ne la respecterai pas". Pour moi monsieur, c’est inacceptable, et vous n’êtes pas celui qui va nous imposer le modèle!»
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Modèle
Dans le cas de l'hébergement, le projet de loi 25 vient raffiner le modèle imposé à Airbnb. Elle devra désormais, pour les annonces publiées au Québec, vérifier la validité du certificat d'enregistrement.
Dans son mémoire, elle proteste: c'est à l'État de faire cela! Pourtant, le site Amazon vérifie la qualité des marchands qui l'utilisent. Les revenus d'Airbnb (2,6 milliards $ canadiens en 2022) sont amplement suffisants pour financer ce type de précaution, non?
Airbnb prétexte aussi que ce type de travail d'analyse comporte des risques pour les «informations privées et confidentielles» des Québécois. Comme si la plateforme n'exigeait pas elle-même, lorsqu'on s'y inscrit, de multiples renseignements sensibles.
On comprend qu'Airbnb se sente visée par le projet de loi: elle a été la seule plateforme invitée à témoigner alors que 19 sont inscrites à Revenu Québec. (Elle-même y apparaît comme «AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY», ce qui révèle certaines de ses pratiques fiscales.)
Mais c'était inévitable: elle est le symbole et le plus gros joueur de cette industrie bien pratique, mais qui ne mérite pas pour autant d'échapper aux règles communes.