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Six futurs pilotes d’hélicoptère perdent près de 150 000$ aux mains du Groupe Huot

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Six étudiants, dont trois Français qui avaient tout quitté pour s’installer au Québec, ont perdu les quelque 150 000$ versés à l’école de pilotage Capitale Hélicoptère, une autre compagnie du Groupe Huot qui vient de fermer ses portes dans la foulée de sa débâcle financière. 

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«Ils nous avaient dit que malgré les difficultés du groupe, on n’allait pas en subir les effets. Au contraire, on a tout subi», peste Thomas Jaffré, qui a vendu tout ce qu’il possédait en France afin de réaliser son rêve de devenir pilote d’hélicoptère et d’immigrer au Canada, avec sa conjointe. 

Le jeune homme dans la trentaine faisait partie d’une cohorte de six étudiants qui devaient suivre une formation de neuf mois à l’école de pilotage Capitale Hélicoptère, située près de l’aéroport de Québec. L’école étant affiliée avec le Campus Notre-Dame-de-Foy, les Français pouvaient bénéficier d’un visa étudiant et demander ensuite un permis de travail post-diplôme (voir texte ci-dessous).

Le Complexe Capitale Hélicoptère, situé près de l'aéroport de Québec.

Photo Stevens LeBlanc

Le Complexe Capitale Hélicoptère, situé près de l'aéroport de Québec.

«Ils nous faisaient miroiter beaucoup de choses, comme quoi c’était la folie et qu’on aurait des débouchés d’emploi. On a embarqué dans l’aventure avec eux», explique le futur pilote, qui s’était laissé convaincre par un recruteur de Capitale Hélicoptère lors d’un événement à Nice, l’an dernier. 

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Formation à 90 000$ 

Thomas Jaffré avait versé une première somme de 3000$, à l’été 2022, pour garantir sa place à la formation qui devait lui coûter finalement quelque 90 000$. Puis au début du mois de mars, alors qu’il se trouvait toujours en France, l’étudiant a avancé 22 000$ «pour les futures heures de vol», à la demande de Capitale Hélicoptère. 

«Ils nous informaient que si les virements n’étaient pas faits rapidement, notre place au sein de la cohorte ne serait pas assurée», relate M. Jaffré, qui ignorait alors l’existence des problèmes financiers du Groupe Huot, qui faisait les manchettes au Québec depuis plusieurs semaines.

La formation a débuté le 11 avril et la cohorte a vite réalisé que quelque chose clochait. 

«On n’avait aucune information, ce n’était pas structuré. Les instructeurs n’étaient pas là pour nous [...] Après, on s’est fait dire que la moitié de l’entreprise – des mécaniciens, des instructeurs, des membres de la direction – avait démissionné», rapporte Samuel Gardner, un Québécois qui faisait partie du groupe. 

La cheffe de la direction du complexe, Stéphanie Huot, se serait toutefois montrée rassurante envers les élèves, leur aurait affirmé qu’elle avait trouvé de nouveaux instructeurs et que leur formation ne serait pas compromise. Mais le 21 avril, la dirigeante changeait son fusil d'épaule : les cours prenaient fin. Elle s'engageait alors à rembourser les sommes versées, d'ici 30 jours.

Stéphanie Huot

Photo tirée de la page Facebook

Stéphanie Huot

Entreprise «insolvable» 

Or, le 16 mai, Stéphanie Huot a informé les six membres de la cohorte que Capitale Hélicoptère était désormais «insolvable». Par courriel, elle souligne qu'elle ne peut les aider davantage puisqu'elle n'a plus de lien avec le Groupe Huot, compagnie qui appartient à son père, Stéphan Huot. 

« Et depuis, c'est mission impossible de la rejoindre », se désole Thomas Jaffré qui, comme ses collègues, a peu d'espoir de retrouver son argent.

Quatre des six étudiants – dont les trois Français – ont acheté depuis une nouvelle formation chez Attitude-Hélicoptère, à Neuville. Le propriétaire, Jean-Philippe Guilbert, a même acquis une voiture d’occasion à l’un des élèves pour faciliter son transport de Québec. 

«On a essayé de tout mettre en place pour les aider. Ça n’a comme pas de sens d’arriver au Québec, de dire “Bienvenue! Vous perdez 25 000$? Arrangez-vous !” C’est assez requin», se désole M. Guilbert. 

Faute de moyens, le Québécois Samuel Gardner a dû mettre ses cours de pilotage sur pause. Le sixième étudiant de la cohorte est quant à lui retourné à Montréal, d’où il est originaire, et entreprendra une nouvelle formation de pilotage à l’automne, à Mascouche. 

Bien que Stéphanie Huot ait affirmé aux étudiants qu’un syndic en insolvabilité entrerait en contact avec eux pour la suite des choses, la porte-parole du Groupe Huot, Florence Brouillard, affirme qu’il est dans l’intention de l’entreprise de les rembourser «en totalité». Elle a été dans l’impossibilité de mentionner à quel moment ni de quelle façon cette transaction aurait lieu.  

Notons que toutes les entités du Complexe Capitale Hélicoptère ont désormais cessé leurs activités.  

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La fermeture de Capitale Hélicoptère compromet leur rêve de travailler au Québec 

Les trois Français floués par le Groupe Huot risquent de perdre bien au-delà de leurs 25 000$ respectifs, alors que leur rêve de travailler et d’immigrer au Québec pourrait bien être compromis. 

«Ça pose un véritable problème pour nous, en termes d’immigration», expose Thomas Jaffré qui, comme ses collègues Pierre Lauffer et Kévin Gerard, a tout quitté en France pour refaire sa vie au Québec. 

Capitale Hélicoptère était affilié avec le Campus Notre-Dame-de-Foy (CNDF) pour offrir sa formation. Ce programme reconnu par le ministère de l'Enseignement supérieur (MES) permet d’obtenir un diplôme collégial ainsi qu’une licence canadienne de pilote professionnel.  

Cette entente donnait ainsi la possibilité aux étudiants français d’avoir un visa étudiant lors de lors formation. Une fois diplômés, ils auraient pu demander un permis de travail post-diplôme collégial, afin de travailler au Québec. Mais avec la fermeture de Capitale Hélicoptère, cette option ne tient plus.  

Délais administratifs 

Le CNDF s'est donc adressé au ministère de l'Enseignement supérieur pour pouvoir établir un protocole d'entente avec l'école de pilotage Attitude-Hélicoptère, à Neuville, là où les étudiants ont trouvé refuge. 

Mais même si le ministère acceptait, le processus ne pourrait être complété avant juillet 2024. Ce délai est trop long pour les Français, dont les visas étudiants seront alors échus depuis belle lurette.

«On a demandé d’avoir une dérogation au moins pour accommoder ces trois élèves-là, pour accélérer le processus. On nous l’a refusée. Donc actuellement ils peuvent étudier, ils vont avoir leur licence de pilote, mais après leur formation, ils doivent partir», se désole Jean-Philippe Guilbert, à la tête d’Attitude-Hélicoptère.

Élus interpellés

Refusant de baisser les bras, les trois Français et Attitude-Hélicoptère ont interpellé des élus de l’Assemblée nationale.

«On se fait dire qu’on veut des francophones comme immigrants au Québec. On paraît mal, le Québec, face à eux», plaide M. Guilbert. 

Au Québec, le taux de placement des diplômés pour le pilotage professionnel d’hélicoptère était de 100%, en 2020. Le Canada prévoit que ce domaine devrait être confronté à une pénurie de main-d’œuvre jusqu’en 2031. 

De son côté, le ministère de l'Enseignement supérieur affirme avoir recommandé au CNDF de déplacer les trois élèves français dans d'autres écoles de pilotage reconnues. Ces dernières sont situées à Longueuil, Mascouche et Gatineau, donc loin de Québec, où les Français ont emménagé. 

Les étudiants ont plutôt choisi d'entamer leur formation à Neuville et ce, sans obtenir l’aval du ministère, qui a été placé « devant le fait accompli », rapporte le porte-parole, Bryan St-Louis. 

Ce dernier rappelle d'ailleurs que d’autres options sont possibles pour ces étudiants qui souhaiteraient travailler au Québec, comme le Programme pour les travailleurs étrangers temporaires (PTET).

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