Les nombreux Québécois qui comptaient sur le populaire médicament Ozempic pour perdre du poids se font couper les vivres par des compagnies d’assurances qui ne veulent plus le rembourser.
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«Le médicament est de plus en plus prescrit et les assureurs réagissent pour contrôler les coûts», remarque le président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, Benoit Morin.
Destiné aux personnes diabétiques, le médicament Ozempic a connu une popularité à la fois fulgurante et inquiétante ces derniers mois, puisqu’il s’agit aussi d’un coupe-faim très efficace, mais aux effets secondaires souvent intenses.
Les témoignages pullulent sur les réseaux sociaux pour mousser des pertes de poids impressionnantes. Plusieurs internautes s’échangent des conseils pour trouver un médecin qui acceptera de le prescrire pour la perte de poids.
Il s’agit cependant d’un usage «hors indication», car l’Ozempic est approuvé par Santé Canada seulement pour le diabète, même si les experts reconnaissent son efficacité contre l’obésité.
- Via QUB radio, Benoît Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires parle de l'utilisation d'Ozempic :
Fini dès aujourd’hui
À partir du 1er juin, l’assureur Beneva (anciennement SSQ et La Capitale) confirme que les nouvelles demandes pour l’Ozempic seront seulement remboursées pour ceux ayant un diagnostic de diabète de type 2.
«À la suite de l’engouement de ce médicament pour la perte de poids, nous avons pris la décision de cesser de couvrir ce médicament lorsqu’il n’est pas utilisé conformément à l’indication de Santé Canada», précise Claudia Genel par courriel.
Les assurés qui prennent déjà le médicament sans un diagnostic de diabète auront une extension jusqu’à la mi-juillet.
Après, ils devront payer le plein montant, oscillant de 200 à plus de 400$ par mois selon les doses prescrites.
Chez Desjardins, le porte-parole Jean-Benoît Turcotti soutient par courriel qu’«à compter du 1er juin, un contrôle sera fait sur les nouvelles ordonnances afin de s’assurer qu’Ozempic ne soit remboursé que pour l’indication reconnue par Santé Canada».
Pour sa part, iA Groupe financier, dit couvrir l'Ozempic uniquement pour le diabète.
L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes soutient que les régimes privés couvrent environ 66% des Québécois et ils doivent minimalement rembourser les médicaments qui sont inscrits au régime public. Or, la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) ne rembourse l’Ozempic que pour les diabétiques.

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Vision à court terme
«C’est une vision à court terme, déplore Benoit Morin. Pour contrôler des coûts, qui vont exploser plus tard.»
Il souligne que le surpoids est en lui-même un problème de santé et un précurseur de maladies chroniques. «C’est malheureux, car on se prive de réduire des facteurs de risque», dit-il.
Il croit qu’il est faux de s’inquiéter d’une pénurie d’Ozempic, comme l’ont vu certains pays, puisque le fabricant va s’ajuster à la demande.
Le même dilemme s’observe aux États-Unis, où de nombreuses personnes se butent au refus de leur régime privé et où le fabricant d’Ozempic fait du lobbying pour que son médicament soit couvert par Medicare.
L’Ozempic et les autres
- Ozempic: une injection de sémaglutide une fois par semaine. Approuvé par Santé Canada pour le diabète.
- Rybelsus: un comprimé de sémaglutide une fois par jour. Approuvé par Santé Canada pour le diabète.
- Saxenda: une injection de liraglutide une fois par jour. Approuvé par Santé Canada pour la gestion du poids.
- Wegovy: une injection de sémaglitude, identique à l’Ozempic. Approuvé par Santé Canada pour la gestion du poids, mais toujours pas disponible au pays en raison des faibles stocks.
Prêts à se priver ailleurs pour continuer de prendre l’Ozempic
Des Québécois qui prennent de l’Ozempic se disent prêts à débourser des centaines de dollars par mois pour continuer de prendre le médicament.
«Je vais essayer de continuer de le prendre, je vais tout faire, confie Mélanie Arseneault. Le bénéfice est trop grand, mais on va se priver ailleurs, je ne sais pas encore comment.»
La femme de 46 ans prend l’Ozempic depuis mars dernier. Elle débourse actuellement 49$ par mois. Avec le refus de Beneva de les couvrir, les doses lui coûteront 240$ par mois, et plus lorsqu’elles augmenteront.
Elle explique avoir pris près de 90 livres en neuf ans, en raison notamment d’une maladie inflammatoire. Moins active, elle prend aussi de puissants médicaments contre la douleur.

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En perdant 15 livres avec l’Ozempic, Mme Arseneault se sentait tellement mieux qu’elle en oubliait de prendre ses pilules contre la douleur.
«Je ne comprends pas leur logique, car je vais finir par leur coûter plus cher [sans l’Ozempic]», déplore-t-elle.
«Totalement illogique»
D’autres, comme l’infirmière Sandrine Gauthier, vont devoir se passer du médicament, n’ayant pas les moyens de débourser plus de 400$ par mois.
«C’est totalement illogique», dénonce-t-elle, déçue de perdre ce «coup de pouce».
Ayant pris du poids après avoir contracté la COVID longue, elle dit que l’Ozempic lui avait permis de reprendre une vie plus active et de prendre de bonnes habitudes alimentaires.
«Je vais essayer de continuer sur ma lancée», dit-elle.
Pharmacien et professeur à l’Université de Montréal, Francis Richard déplore le fait que le régime public ne rembourse pas les médicaments contre l’obésité.
«Il faut voir ça comme une maladie chronique», plaide-t-il, ajoutant aussi qu’il faut se débarrasser des vieilles idées préconçues voulant que les problèmes de poids ne reposent que sur le dos des patients.
Pour Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste chez ÉquiLibre, le poids à lui seul ne doit pas être un indicateur de bonne santé, ajoutant qu'il faut avant tout privilégier de saines habitudes de vie.