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Le drôle de raisonnement de Sonia Lebel risque de créer de nouveaux problèmes en éducation

Bloc école

Photo d'archives

Les enseignants québécois sont actuellement en négociation avec le gouvernement afin de renouveler leur convention collective nationale. Dans le cadre de ce processus, la ministre déléguée à cette mission, Mme Sonia Lebel, entend s’attaquer au critère de l’ancienneté qui sert parfois à déterminer quelle tâche occupe un enseignant.  

La raison motivant cette volonté gouvernementale est qu’on voudrait donner les groupes plus difficiles aux enseignants d’expérience en croyant que cela réduirait le nombre de jeunes qui quittent la profession. 

Même si ancienneté ne rime pas toujours avec compétence, les études nous apprennent que, généralement, un enseignant expérimenté a un impact positif sur le rendement de ses élèves mais que cet effet tend à diminuer après une dizaine d’années de carrière. Sauf qu’on peut aussi penser que les étudiants sortis tout droit de l’université devraient avoir reçu une formation plus complète et actualisée que celle de leurs aînés et mieux comprendre les défis à relever en éducation. Surtout après une formation de quatre ans. 

Emploi physique 

Mme Lebel semble cependant ignorer que l’enseignement est aussi un emploi physique. Il faut travailler souvent debout, animer un groupe, garder un œil attentif sur les élèves plus turbulents. On ne parle pas non plus de ces marathons de correction qui finissent par abrutir les plus vaillants.  

Avec l’âge, ces capacités ont parfois tendance à s’émousser. C’est d’ailleurs une des raisons qui explique que bien des enseignants – et on ne sait pas combien parce que le ministère de l’Éducation ne tient aucune statistique à cet effet - ne se rendent pas jusqu’à leur pleine retraite. Ils quittent leur emploi tout simplement parce qu’ils n’ont plus la force ou la patience de remplir adéquatement leurs fonctions. 

Dans les faits, le raisonnement de Mme Lebel semble tout d’abord servir à nier le fait que les groupes difficiles qu’on retrouve dans nos classes sont le produit d’une école à trois vitesses.  

  • Écoutez l'entrevue avec l’enseignant Luc Papineau à l’émission de Richard Martineau via QUB radio :

École à trois vitesses 

En ce sens, elle partage la même vision que son collègue à l’éducation, M. Bernard Drainville, et préfère plutôt faire porter sur les épaules des enseignants les insuccès reliés à la composition des classes alors que c’est tout le système scolaire qu’il faudrait remettre en question. 

Aujourd’hui, tant les jeunes enseignants que les plus âgés fuient ce réseau, les premiers parce qu’ils se refusent à un métier débilitant et qu’ils peuvent plus facilement se réorienter, les plus âgés parce qu’ils sont fatigués et qu’ils préfèrent se contenter d’une moins bonne retraite que de continuer à œuvrer dans un système auquel ils ne croient manifestement plus 

En abolissant le critère de l’ancienneté, Mme Lebel ne changera rien à la réalité de l’école à trois vitesses et pourrait même causer le départ de plus d’enseignants âgés, ceux-là même à qui elles voudraient confier les groupes les plus difficiles. Au lieu d’apporter une solution, elle risque, devant une absence criante de données, de créer un nouveau problème. 

Luc Papineau, Enseignant de français

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