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Monastère du Bon-Pasteur: difficile de se reloger pour les sinistrés en pleine crise du logement

Locataire Bon-Pasteur

Clara Loiseau / JdeM

Des résidents de la coopérative ayant brûlé dans l’incendie de la Chapelle du Bon-Pasteur craignent de ne jamais retrouver un logement abordable et une vie dans une telle communauté.

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«Au-delà de la perte de notre appartement, c’est vraiment la perte de notre noyau à nous qui fait le plus de peine. C’est violent de se rendre compte qu’on n’habitera plus tous ensemble», déplore Amélie Escobar, 38 ans, qui vivait dans la coopérative d’habitation Sourire à la vie depuis deux ans avec ses deux enfants.

Jeudi dernier, les flammes se sont emparées pendant plus de 24 heures du bâtiment patrimonial rue Sherbrooke Est. Si la Chapelle était particulièrement connue pour sa salle de concert, elle hébergeait aussi la coopérative depuis presque 40 ans.

Habitués qu'ils étaient aux fausses alarmes incendie dans l’immeuble, aucun des locataires ne pensait que leur vie partirait en fumée en quelques heures lorsqu’ils ont dû évacuer les lieux, racontent-ils. Surtout, aucun n’imaginait devoir se chercher un nouveau logement de sitôt.

Appartement Bon-Pasteur

Photo fournie par Amélie Escobar

Tous ont pour le moment trouvé refuge chez des amis ou des membres de la famille.

Perte inestimable

Pour Mme Escobar, comme pour les autres membres de la coopérative rencontrés par Le Journal, la perte de leur milieu de vie n’a pas de prix.

«On s’entraidait, on gardait les enfants des uns et des autres. On était tous solidaires. Dès que quelqu’un vivait quelque chose, on était là pour lui», affirme Pascale Huberty, 53 ans, qui vivait là avec son conjoint et sa fille depuis sept ans.

Pascale Huberty, qui vivait dans la coopérative Sourire à la vie, dans le monastère du Bon-Pasteur, s'en allait récupérer les quelques affaires qui pouvaient être sauvées dans son appartement au 5e étage, ravagé par l'incendie qui a détruit le bâtiment patrimonial.

Clara Loiseau

Pascale Huberty, qui vivait dans la coopérative Sourire à la vie, dans le monastère du Bon-Pasteur, s'en allait récupérer les quelques affaires qui pouvaient être sauvées dans son appartement au 5e étage, ravagé par l'incendie qui a détruit le bâtiment patrimonial.

Ils étaient une cinquantaine de personnes qui vivaient dans les 29 appartements de la coopérative.

«Tous les logements sont une perte totale, soit à cause des flammes, soit à cause de l’eau qui a inondé les appartements pour éteindre le feu», confie Patrice Masse, 59 ans.

Résultat: les 29 ménages doivent se trouver un autre endroit où vivre.

Trop cher

Sauf que les prix du marché locatif privé donnent froid dans le dos.

«Mon loyer prenait déjà environ 30% de mon salaire net. Si je me trouve un appartement, je sais que ce sera au minimum 75% de mon revenu», s’inquiète Amélie Escobar qui payait 1010$ pour son 5 1/2. Dans son quartier, les mêmes appartements se louent plus autour de 2800$, a-t-elle constaté.

Patrice Masse

Clara Loiseau

Patrice Masse

Pour sa part, Patrice Masse, qui venait tout juste de prendre sa retraite, estime déjà que s’il ne trouve pas d’appartement en coopérative ou dans les mêmes prix que son 3 1/2 qu’il louait à 712$ par mois, il devra retourner sur le marché du travail. 

«Je n’aurai juste pas le choix», laisse-t-il tomber.

Même s’ils ne sont pas capables de partager à nouveau un même milieu de vie, ils espèrent tous pouvoir trouver une place dans d’autres coopératives.

«On a de la chance d’avoir le soutien d’un réseau qu’on n’aurait pas si nous vivions chacun dans un logement privé», explique Mme Escobar.

Pas toujours simple de trouver une nouvelle coop

Même si des coopératives ont des logements disponibles pour les sinistrés, se reloger dans l’une d’elles relève parfois du défi.

«On a quelques ressources qui nous aident, mais les coopératives ont des besoins et on risque de devoir passer plusieurs entrevues pour qu’ils voient si on a les compétences requises dont ils ont besoin. C’est un facteur qui va éliminer certaines de nos options», explique Amélie Escobar, qui tente de se retrouver un logement pour elle et ses deux enfants dans une coopérative montréalaise.

Amélie Escobar

Clara Loiseau

Amélie Escobar

Après que la coopérative Sourire à la vie a été ravagée par les flammes, à la suite de l’incendie du monastère du Bon-Pasteur, la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ) a lancé un appel à la solidarité à ses membres, affirme son président, Patrick Préville.

«La réponse a été instantanée, j’étais soufflé. On s’est retrouvé avec 25 logements mis à la disposition des membres de Sourire à la vie», poursuit-il.

Critères de sélection

Avant de pouvoir emménager dans une coopérative, un comité de sélection choisit les candidatures. C’est ensuite le conseil d’administration qui choisit le candidat qui intégrera la coopérative d’habitation.

«La coopérative va voir en fonction de ses besoins, des compétences qu’ils recherchent [chez ses futurs membres]», indique M. Préville, qui ajoute que les coopératives ont tout de même une certaine ouverture pour les sinistrés.

Appartement Bon-Pasteur

Photo fournie par Amélie Escobar

Patrice Masse, qui vivait au 1er étage de la coopérative rue Sherbrooke Est, a déjà passé une entrevue pour une place dans une autre coop.

«Le problème, c’est qu’on est trois sinistrés à avoir passé une entrevue. Je croise les doigts», confie-t-il.

Rêve de retour

Si les travaux sont encore bien loin d’être commencés pour remettre sur pied la coopérative, tous les membres de Sourire à la vie espèrent bien pouvoir y retourner un jour.

«On souhaite restaurer la vocation [de la coop] et que le projet de reconstruction soit fidèle à ce que c’était avant l’incident», espère Mme Escobar.

Patrick Préville abonde dans le même sens.

«C’est une coop qui doit renaître de ses cendres, mais il va falloir l’aide de l’État pour qu’elle reste aussi abordable qu’elle l’était», estime-t-il, ajoutant que la perte de cet édifice est une perte inestimable pour Montréal.

Pour lui, cet évènement montre à quel point il y a un manque de logements coopératifs au Québec.

«On en a besoin, c’est un enjeu de société», conclut-il.

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