Pour améliorer la maîtrise du français sur les bancs d’école, Québec veut que les élèves écrivent plus souvent en classe, que les fautes d’orthographe soient soulignées dans toutes les matières et que les programmes de français soient révisés.
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Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a présenté lundi son plan de match pour améliorer l’enseignement du français à l’école, qui a généralement été bien reçu par les représentants des enseignants (voir autre texte plus bas).
M. Drainville a toutefois dévoilé des «orientations» qui devront être validées par la suite par un groupe d’experts qui sera chargé de mener une vaste consultation, cet automne, auprès d’enseignants et de chercheurs.
Il faudra donc patienter encore avant de savoir si les orientations gouvernementales seront bel et bien retenues et comment elles seront mises en place concrètement. Les recommandations du groupe d’experts seront remises au ministre à la fin de l’automne, a précisé son cabinet.
- Écoutez l’entrevue avec Bernard Drainville, ministre de l’Éducation et député de Lévis, à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio:
Pour le ministre Drainville, il est «urgent de s’occuper» de la maîtrise du français, considérant la baisse du taux de réussite à l’épreuve ministérielle d’écriture de cinquième secondaire, qui est passé de 79% en 2019 à 69,8% en 2022.
Le Journal rapportait d’ailleurs, récemment, que seulement 48% des élèves avaient obtenu la note de passage au critère concernant les règles de grammaire et l’orthographe.
Pour redresser la barre, le ministre «mise beaucoup» sur la révision des programmes de français, qui n’ont pas été mis à jour depuis 20 ans au primaire. M. Drainville veut que le contenu enseigné en classe soit «mieux adapté aux jeunes d’aujourd’hui» et qu’il s’appuie «sur les manières d’enseigner les plus efficaces». Il ne sera toutefois pas question de niveler par le bas, assure-t-il.
Le ministre souhaite aussi que les élèves écrivent chaque jour en classe, tant au primaire qu’au secondaire. Il ne s’agit toutefois pas du retour de la dictée traditionnelle, a-t-il indiqué. L’objectif est plutôt d’instaurer des «exercices d’écriture quotidiens» qui pourraient prendre différentes formes comme la dictée zéro faute, une formule interactive qui facilite l’apprentissage.
Le ministre Drainville souhaite par ailleurs que les enseignants des autres matières portent «une attention spéciale» aux fautes de français dans les travaux et les examens. «Il faut que la qualité du français devienne l’affaire de tous les enseignants, pas seulement des enseignants de français», a-t-il indiqué. M. Drainville ne va toutefois pas jusqu’à dire que les élèves devraient être pénalisés pour leurs erreurs de français dans les autres matières.
Québec souhaite par ailleurs intégrer davantage la culture québécoise dans l’enseignement du français, afin de rendre l’exercice plus intéressant. M. Drainville y voit une façon de faire «d’une pierre deux coups», puisque les jeunes sont «peu ou pas exposés» à la littérature, à la cinématographie ou à la chanson québécoises, a-t-il indiqué.
Le gouvernement Legault prévoit aussi des sommes pour embaucher davantage de conseillers pédagogiques en français – un par centre de services scolaire – afin de mieux épauler les enseignants.
«Nos profs sont déjà très bons, notre idée c’est de les aider à ce qu’ils soient encore meilleurs», a indiqué M. Drainville, qui promet des «investissements importants», sans toutefois les chiffrer.
Le ministère de l’Éducation se chargea par ailleurs d’établir un portrait précis des fautes commises par les élèves, afin de mieux s’y attaquer.
M. Drainville espère que les nouveaux programmes de français pourront être enseignés à partir de la rentrée 2025.
Une initiative bien accueillie malgré les défis
Le chantier mis en branle par le ministre Drainville est bien accueilli par les représentants des enseignants, qui craignent toutefois que la pénurie de personnel ne vienne contrecarrer les efforts pour améliorer la maîtrise du français à l’école.
La révision des programmes de français est saluée par l’Association québécoise des professeurs de français (AQPF), qui le réclamait depuis de nombreuses années.
L’AQPF est aussi d’accord avec l’introduction d’exercices d’écriture quotidiens, à condition que la mesure ne se transforme pas en «fardeau supplémentaire» pour les enseignants.
Son vice-président, Justin Taschereau, espère toutefois que Québec fera les choses correctement, sans précipitation. «Il faut qu’on prenne le temps de mettre en place le puzzle correctement», dit-il.
À la Fédération des syndicats d’enseignement (FSE), on accueille aussi favorablement le plan de match gouvernemental, mais on réclame l’imposition d’un temps minimum obligatoire pour l’enseignement du français. Présentement, le temps d’enseignement est mentionné à titre indicatif et des écoles n’hésitent pas à retrancher des périodes de français pour faire plus de place aux programmes particuliers, déplore sa présidente, Josée Scalabrini.
Questionné à ce sujet lors du point de presse, M. Drainville s’est montré ouvert à soumettre cette avenue au groupe de travail, sans toutefois s’y engager formellement.
De son côté, la Fédération autonome de l’enseignement accueille aussi favorablement la révision des programmes de français, tout en se demandant si l’embauche de conseillers pédagogiques supplémentaires est «réaliste», dans le contexte de la pénurie.
Le ministre Drainville cherche à améliorer l’enseignement du français alors qu’il veut mettre sur pied des formations plus courtes pour devenir prof, souligne sa présidente, Mélanie Hubert. «Tout ça repose sur un équilibre précaire», laisse-t-elle tomber.
Priscilla Boyer, professeure en didactique du français à l’Université du Québec à Trois-Rivières, y voit aussi un «manque de cohérence». Même si elle salue les orientations dévoilées lundi, la pénurie d’enseignants représente «l’angle mort» de cette feuille de route, affirme-t-elle.
Le ministre Drainville a lui-même reconnu qu’il s’agissait d’un «immense défi».
Les six orientations annoncées par le ministre Drainville
- Réviser les programmes de français au primaire et au secondaire
- Faire écrire plus souvent les élèves
- Intégrer davantage la culture québécoise dans l’enseignement du français
- Demander aux enseignants des autres matières de porter attention aux fautes de français des élèves
- Établir un portrait précis des fautes commises par les élèves dans les épreuves ministérielles d’écriture
- Embaucher des conseillers pédagogiques pour soutenir les profs dans l’enseignement du français