La saison touristique et le Grand Prix de la Formule 1 approchent à grands pas. Bien que pour plusieurs, les festivités du Grand Prix sonnent l'heureux retour de la saison festivalière et du beau temps, pour les victimes d’exploitation sexuelle, elles annoncent malheureusement une hausse de la demande en services sexuels et une recrudescence de l’exploitation.
Pour trop de Québécois, le fléau de l’exploitation sexuelle des mineurs passe inaperçu. Pourtant, il peut toucher tous les jeunes, et fait des milliers de victimes à travers le Québec.
Un mineur est exploité sexuellement lorsqu’une autre personne profite de sa vulnérabilité pour tirer un avantage de son corps. Pour les proxénètes, cet avantage est principalement financier. Pour les abuseurs, les « clients », il est généralement d’ordre personnel : ils abusent odieusement de jeunes vulnérables pour leur gratification sexuelle. Pornographie juvénile, services sexuels virtuels, agressions sexuelles, prostitution, traite des personnes : l’exploitation sexuelle peut prendre mille formes.
Crime peu rapporté
Au Québec, entre 2002 et 2013, 170 cas d’exploitation sexuelle d’un mineur ont fait l’objet d’arrestations. 170 victimes, c’est un chiffre qui glace le sang; regrettablement, c’est aussi un chiffre qui ne représente que la pointe de l’iceberg. L’exploitation sexuelle a beau être omniprésente, elle est surtout invisible : les données dont on dispose ne sont qu’approximatives et sous-estiment grandement l’ampleur du phénomène. En 2018, 400 plaintes pour des situations d’exploitation sexuelle d’un mineur ont été faites à Montréal seulement.
- Écoutez l'entrevue avec Jennie-Laure Sully, Organisatrice communautaire et coordonnatrice de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle à l’émission de Benoit Dutrizac via QUB radio :
Mais l’exploitation sexuelle est un crime qui est rarement rapporté : on estime que seulement une victime sur dix porte plainte. Ce sont des milliers de nos jeunes qui se retrouvent dans le piège de l’exploitation sexuelle et qui passent sous le radar. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution au Canada serait de 14 ans; plus de 80% des adultes dans le milieu prostitutionnel l’auraient joint en étant mineurs.
Malheureusement, on ne manque pas que d’information quant à la problématique. On manque aussi de mobilisation. Si, sur le terrain, d’incroyables organismes et intervenants s’affairent à prévenir l’exploitation sexuelle et à venir en aide à ses victimes, le gouvernement, lui, traîne le pas. Surtout, il traîne le pas à l’égard de l’industrie du tourisme, des grands événements sportifs et du secteur hôtelier, qui comptent parmi les principales industries facilitant indirectement l’exploitation sexuelle des mineurs.
Affichage
Dans son rapport déposé en décembre 2020, la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs a recommandé que le gouvernement impose aux hôtels et aux hébergements touristiques, entre autres, de mettre bien en vue un affichage qui rappelle le caractère criminel de l’achat de services sexuels. Elle a aussi recommandé qu’ils soient obligés d’afficher de manière visible les coordonnées où rapporter un crime d’exploitation sexuelle de mineurs.
Ces recommandations sont précises, et simples à mettre en place. Inexplicablement, le gouvernement a choisi de les ignorer complètement : elles ne sont pas incluses dans son plan d’action 2021-2026. Comment le gouvernement peut-il justifier une telle négligence à la population québécoise, et surtout aux victimes d’exploitation sexuelle? Comment peut-il expliquer ne pas faire le minime effort d’ajouter quelques affiches dans les endroits qui facilitent l’exploitation sexuelle des mineurs?
Le Grand Prix constitue un moment opportun de se rappeler collectivement de l’importance de lutter contre l’exploitation sexuelle des mineurs, un fléau qui est présent toute l’année, et non seulement le temps d’une fin de semaine. On doit en faire davantage pour protéger nos jeunes. Pendant que le gouvernement prend son temps, des milliers de jeunes continuent de souffrir.
- Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Jean-Sébastien Boudreault, PDG de l’Association hôtelière du Grand Montréal au sujet du tourisme sexuel, notamment lors du Grand Prix de Montréal via QUB radio :
Jennifer Maccarone, Députée de Westmount-Saint-Louis, Porte-parole de l’opposition officielle en matière de Sécurité publique