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La fausseté de Marc Tanguay

Quebec

Photo d'archives, Stevens LeBlanc

La falsification de l'histoire est courante en politique. 

Étant donné le caractère malléable de la mémoire collective, aucun acteur politique ne se prive de la modeler à son avantage.

Mais il y a de sacrées limites à tromper les citoyens sur leur passé.

Cette limite, le chef par intérim du Parti libéral du Québec Marc Tanguay l'a dépassée mardi en déclarant: «Le beau risque de René Lévesque s’est réalisé.»

À entendre M. Tanguay, le fondateur du PQ aurait dit: «Je vais donner une chance au fédéral. [...] Si ça marche, notre option [ne] sera plus valide, ou on va démontrer qu’elle ne tient pas la route.»

Et M. Tanguay d'affirmer que ça a fonctionné: le Québec est aujourd'hui une société épanouie...

Espoir

Rappelons les faits: le 4 septembre 1984, le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney prend le pouvoir à Ottawa avec l'appui massif du Québec. Sa promesse formelle: réparer l'affront trudeauiste de 1982, c'est-à-dire le rapatriement de la Constitution canadienne sans l'accord du Québec.

Le 24 septembre suivant, Le Devoir titre: «Négocier avec le gouvernement Mulroney constitue “un beau risque”, dit Lévesque».

Le risque? Marginalisation de l'option souverainiste. Le «beau»: le Québec pourrait se faire une place au Canada, obtenir entre autres la reconnaissance constitutionnelle qu'il forme un peuple. La proposition déchirera le gouvernement péquiste. Cinq ministres démissionnent le 22 novembre 1984.

Le PLQ, dont Robert Bourassa est redevenu le chef en octobre 1983, attend son retour au pouvoir et compte bien réaliser ce «beau risque», qui correspond au vieux rêve d'un «fédéralisme renouvelé» défendu par Bourassa et Claude Ryan, contre P.E. Trudeau.

  • Écoutez la rencontre politique entre Raphaël Pirro et Antoine Robitaille via QUB radio :

Rejet

Cela conduira au fameux accord du lac Meech de 1987, que deux provinces (Manitoba et Terre-Neuve) refuseront de ratifier avant l'échéance du 23 juin 1990. Dépité, Bourassa prononcera sa fameuse phrase: «Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement.» Une autre tentative de réaliser le «beau risque», l'accord de Charlottetown, échouera en octobre 1992.

Le «beau risque» n'a donc jamais été «réalisé»! Après 1992, le PLQ abandonnera graduellement son idéal, le fédéralisme renouvelé.

Électoralement, c'était plus payant pour lui de transformer «en véhicule d’endiguement de la menace référendaire», comme l'a bien écrit, en mai dernier, Jérôme Turcotte, un militant libéral, dans un texte au titre éloquent: «Au revoir, PLQ».

En devenant une formation bêtement anti-souverainiste, le PLQ a délaissé toute réflexion sur le fédéralisme. Mais a aussi «perdu sa capacité à bien incarner sa québécitude» (Turcotte, encore).

Pourtant, en juin, Marc Tanguay lui-même avait déploré, au micro de QUB, que le PLQ se soit «retiré du débat constitutionnel» au cours des dernières années, de peur d'avoir l'air «chicanier».

Je ne peux concevoir que ce juriste féru d'histoire et qui, par surcroît, se revendique de Robert Bourassa, croie vraiment ce qu'il a affirmé. Maintenant retiré de la course à la chefferie, il n'a pourtant plus de militants anti-nationalistes à séduire. Ça me dépasse.

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