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Itinérance : maires alarmés, organismes débordés

On voit même des médecins et des ingénieurs demander de l’aide au Québec

Des campements qui prennent de l’ampleur, des demandes d’aide qui explosent, et même des médecins qui se retrouvent à la rue : l’itinérance n’épargne aucune région ni aucune profession, à en croire les maires et directeurs d’organismes vivement préoccupés rencontrés par Le Journal au sommet de l’UMQ à Québec, vendredi.

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Des médecins, des ingénieurs, des avocats

François Savoie, directeur général du centre d'hébergement et d'accompagnement La Hutte, à Terrebonne, Saint-Jérôme et Joliette, a vécu une première dans sa carrière, cette année. Un médecin qui a « glissé, dérapé » et « s’est ramassé à la rue » a demandé des services après avoir dormi pendant un certain temps dans son véhicule et perdu son droit de pratique.

« C’est quelqu’un qui a été abusé, agressé en sortant du travail dans un stationnement et qui a perdu ses repères, [...] quand il est arrivé chez nous, il était pareil comme tous les autres qu’on accueille », a expliqué M. Savoie devant un panel, insistant sur le « portrait changeant » de la problématique.

À Québec, Éric Boulay, de l’organisme Lauberivière, constate la même chose.

« Ce n’est pas vrai que c’est seulement des gens qui n’ont pas de scolarité. Écoute, j’ai vu des ingénieurs, j’ai vu des avocats chercher de l’aide et pas plus tard que cette semaine, il y avait une dame médecin, qui est suspendue de la médecine pour un moment, qui a eu affaire à nos services », dit le directeur général, qui est renversé par l’augmentation « radicale » des besoins.

  • Écoutez l'entrevue avec Marie-Pier Therrien, directrice des communications à la Mission Old Brewery, via QUB radio :

Au refuge, le nombre de « couchés » est passé de 22 000 en 2017 à 43 500 en 2022. En juillet et août, 3 personnes aidées sur 4 étaient de nouveaux demandeurs qui n’avaient jamais connu l’itinérance.

« Je n’ai jamais eu autant de travailleurs qui n’ont pas de problème sous-jacent à l’itinérance. »

« Il y a urgence d’agir »

Julie Bourdon, mairesse de Granby.

Dominique Lelievre

Julie Bourdon, mairesse de Granby.

« Ce qui me frappe, c’est l’augmentation de l’itinérance visible », dit d’entrée de jeu la mairesse de Granby, Julie Bourdon. « Nous, ça fait environ trois ans qu’on voit des campements [...] et ils ne font qu’augmenter », ce qui contraste avec un phénomène qui se voulait plus à l’abri des regards par le passé, dit-elle. « C’est pour ça que je dis [qu’]il y a urgence d’agir, parce qu’il ne faut pas attendre qu’on ne soit plus capable d’agir. [...] Est-ce qu’on peut accepter comme société qu’il y ait des gens qui dorment dans la rue ? »

Le début d’un plus grand problème ?

Vincent Bérubé, maire de La Pocatière.

Dominique Lelievre

Vincent Bérubé, maire de La Pocatière.

À La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent, on ne voit pas nécessairement de sans-abri dans la rue, mais on rapporte sur le terrain que le phénomène d’itinérance cachée commence à prendre de l’ampleur, selon le maire Vincent Bérubé. « Je suis aussi pompier volontaire et j’ai une collègue pompière, qui est travailleuse de rue, qui m’a amené sur ce sujet-là dernièrement. [...] Ça m’inquiète parce que je pense que c’est le début d’un problème qui pourrait devenir plus grand. »

Retrouvé sous des estrades à 15 ans

Julie Boivin, mairesse de Sainte-Anne-des-Plaines.

Dominique Lelievre

Julie Boivin, mairesse de Sainte-Anne-des-Plaines.

Même dans une ville de 15 000 habitants comme Sainte-Anne-des-Plaines, dans les Laurentides, l’itinérance préoccupe. 

« Sainte-Anne-des-Plaines, c’est 92 % agricole, donc c’est nos agriculteurs qui surprennent des personnes en situation d’itinérance dans leur grange, dans leur bâtiment de ferme. On a un jeune itinérant d’une quinzaine d’années, il y a quelques années, ça faisait trois semaines qu’il était installé sous des estrades dans un parc, donc il a réussi à passer inaperçu. Elle n’est pas visible, mais on n’a pas besoin d’attendre qu’elle le soit », partage la mairesse Julie Boivin, qui parle de situations « crève-cœur ».

Des autochtones ne trouvent pas de logement

Serge Bergeron, maire de Roberval.

Dominique Lelievre

Serge Bergeron, maire de Roberval.

À Roberval, le maire Serge Bergeron remarque aussi que l'itinérance est de plus en plus apparente. Il pointe un facteur, parmi d’autres : des autochtones de communautés environnantes voudraient bien s’établir dans la ville, où l’on retrouve plus de services, mais n’y arrivent simplement pas. 

« Ils ne trouvent pas de logement parce qu’on est à 0 % de taux d’inoccupation à Roberval. Ils vont crécher chez les familles, chez un cousin, chez une tante et souvent vont se retrouver 7, 8 dans un quatre et demi. Ça crée des tensions », soulève-t-il.

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