Un véritable tsunami doit suivre les accusations d’Ottawa, selon qui l’Inde aurait commandé l’assassinat d’un Canadien d’origine sikh en Colombie-Britannique, disent des experts.
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En entrevue à l’émission Le bilan, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, souligne la gravité de la situation et assure que le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a fait connaître son mécontentement au gouvernement indien.
« Nous avons cru que c’était important de dire au gouvernement de l’Inde que si ces allégations sont vraies, évidemment, c’est une violation extraordinaire de la souveraineté du Canada, c’est une menace potentielle à d’autres citoyens canadiens. On voulait que le gouvernement indien comprenne très bien que nous sommes en possession de ces renseignements, de ces allégations », explique M. LeBlanc.

Le ministre assure que le gouvernement de Justin Trudeau a été informé depuis plusieurs semaines de ces allégations par les renseignements canadiens, et qu’il s’affaire depuis à fournir les ressources nécessaires aux autorités compétentes menant l’enquête.
Le gouvernement a décidé de faire son annonce lundi tant par souci de transparence que pour rassurer les Canadiens et les Canadiennes, soutient le ministre.
Quel avenir pour le Canada et l’Inde ?
En entrevue à l’émission Le bilan, l’ancien directeur au bureau Asie-Pacifique au Service canadien du renseignement de sécurité, Michel Juneau-Katsuya, assure que pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC), « l’ingérence étrangère en provenance de l’Inde n’est pas nouvelle. »
Même si pour l’heure, les autorités indiennes ne sont visées que par des allégations, la décision prise lundi par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, d’expulser un diplomate indien indique le degré de sérieux avec lequel le gouvernement canadien considère ces dernières.
« Cette décision n’est pas légère. Ça va amener de grosses vagues, quasiment un tsunami entre l’Inde et le Canada », prévient M. Juneau-Katsuya.
Thomas Juneau, expert en sécurité nationale et professeur à l’Université d’Ottawa, abonde dans le même sens.
« À court terme, les relations entre le Canada et l’Inde vont reculer. Ça ne va pas bien aller, ça, il ne doit y avoir aucun doute », assure-t-il.
Le dossier de l’ingérence étrangère indienne demande qui plus est un doigté particulier.
« Un cas d’ingérence étrangère avec un pays comme l’Inde, c’est très différent à gérer qu’avec la Chine, par exemple. Oui, avec la Chine, on a une relation bilatérale à gérer. On a des intérêts autres que l’ingérence étrangère : le commerce, les affaires consulaires, etc. Mais c’est une relation qui est compétitive, qui est “confrontationnelle”, ce ne sont pas nos amis », détaille M. Juneau.
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« Quand on parle d’ingérence étrangère avec des pays comme l’Inde, l’Arabie saoudite – qui est quand même un partenaire –, la Turquie – qui est un allié aussi au sein de l’OTAN –, qui sont des pays qui font de l’ingérence étrangère au Canada, là, il y a un équilibre beaucoup plus délicat à trouver. L’Inde, c’est un pilier de la stratégie du Canada et de nos amis occidentaux dans l’indopacifique pour le 21e siècle », ajoute-t-il.
Ingérence étrangère
La magistrate québécoise Marie-Josée Hogue entrait en poste le 18 septembre afin de présider l’enquête publique sur l’ingérence étrangère réclamée depuis des mois par les partis d’opposition fédéraux.
La question se pose dès lors de savoir si l’éventuelle ingérence indienne pourrait faire l’objet d’une étude dans le cadre de cette commission d’enquête publique.
« Nous avons délibérément élaboré des termes de référence qui permettront à la juge Hogue de regarder l’ingérence de l’Inde dans des institutions et des processus démocratiques au Canada », indique d’emblée le ministre LeBlanc.
« Quand il s’agit d’une enquête pour meurtre, ou ultimement, on espère, d’un procès criminel, c’est aux juges de la Cour criminelle à se pencher sur le dossier. Une commission d’enquête publique ne détermine pas la culpabilité criminelle. Mais elle a sûrement tous les outils, et le mandat, de regarder l’ingérence de l’Inde dans les institutions et l’espace démocratique canadien », nuance-t-il.
Michel Juneau-Katsuya est moins optimiste quant à la latitude dont jouit la juge Hogue : « Pour ce qui est de la commission d’enquête, le mandat a été intentionnellement très obtus. On est très limité dans ce qu’on va pouvoir regarder », pointe-t-il, en notant toutefois que pour la suite des choses, « M. Trudeau a intérêt à ce que l’on ait des informations publiques. »